Le 26 novembre 2022
Après Les rebelles du dieu néon et Vive l’amour, Tsai Ming-liang proposait une troisième variation autour de l’incommunicabilité, dans ce qui reste peut-être son œuvre la plus aboutie.
- Réalisateur : Tsai Ming-liang
- Acteurs : Lee Kang-sheng, Chen Shiang-chyi , Yang Kuei-Mei, Chen Chao-jung , Miao Tien, Lu Yi-ching
- Genre : Drame
- Nationalité : Taïwanais
- Distributeur : Films sans Frontières, Splendor Films
- Durée : 1h55mn
- Reprise: 30 novembre 2022
- Titre original : 河流 He liu
- Âge : Avertissement : des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs
- Date de sortie : 13 août 1997
- Festival : Festival de Berlin 1997
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– Reprise en version restaurée : 30 novembre 2022
Résumé : Après avoir joué lors d’un tournage de film dans une rivière polluée, Hsiao Kang est saisi d’une étrange douleur dans le cou. Aucun médecin ni guérisseur ne parvient à le soulager de son mal. Son père, qui hante en cachette les saunas gays de la ville, voit sa chambre inondée par une fuite d’eau qu’il n’arrive pas à endiguer. Le père et le fils vont alors se trouver confrontés à leur intimité la plus secrète…
Critique : Ours d’argent au Festival de Berlin 1997, où il remporta aussi le Prix FIPRESCI, La rivière est le troisième long métrage du réalisateur taïwanais Tsai Ming-liang. Avec le recul, le film forme un triptyque avec les deux précédents, à savoir Les rebelles du dieu néon et Vive l’amour. Le lien est d’abord évident en raison du protagoniste au nom récurrent de Hsiao Kang, interprété par l’acteur fétiche du cinéaste, Lee Kang-sheng. L’habileté du réalisateur consiste dans sa capacité à distiller un doute : s’agit-il d’une convention narrative, ou bien le jeune homme dont on suit les vicissitudes dans les trois films est-il vraiment le même personnage ? Dans ce cas, l’étudiant des Rebelles du dieu néon, devenu agent funéraire dans Vive l’amour, serait revenu vivre au domicile familial, et se retrouverait sans emploi. Son père, retraité divorcé, est interprété par Miao Tien, qui incarnait déjà l’autorité paternelle dans le premier opus. Au casting se retrouvent également l’actrice qui jouait la mère (toujours dans le même rôle), ainsi que Chen Chao-jung : mais ce dernier campe bien un nouveau personnage : après avoir joué un délinquant dans Les rebelles du dieu néon et l’amant d’une agente immobilière dans Vive l’amour, il a les traits d’un obscur objet du désir dans un sauna gay fréquenté par le père.
- © Splendor Films
Ces ambiguïtés de scénario, perceptibles par le seul spectateur découvrant les trois films, sont d’un indéniable intérêt. Mais pour qui entrerait dans l’œuvre du réalisateur avec La rivière, l’histoire est en elle-même fascinante, tournant notamment autour des relations troubles entre un fils et son père. Atteint d’un étrange mal au cou après avoir flotté dans une rivière polluée pour les besoins d’un tournage où il a fait une figuration, Hsiao Kang vit un véritable calvaire physique, que n’arrivent à soigner ni la médecine traditionnelle, ni les massages et l’acupuncture, ni l’exorcisme. Le mystère de sa maladie (mais ne serait-elle pas d’ordre psychosomatique ?) suscite l’attention du paternel, lui qui semblait plutôt froid à son égard. En parallèle, le père doit faire face à des problèmes de fuite d’eau dans son appartement, qui semblent prendre une tournure étrange. Le récit, qui part d’une trame réaliste, devient par la suite proche d’une ambiance fantastique, sans devenir pour autant irréel. Avec ses zones d’ombre, il fait tout le prix de ce troisième volet. La mise en scène est quant à elle non moins magistrale, par un dépouillement constant, encore plus net que dans les deux métrages précédents.
- © Splendor Films
Les longs plans fixes, les silences mystérieux et le refus de tout ornement (musical ou décoratif) contribuent ainsi au pouvoir de l’œuvre. « J’utilise de moins en moins de plans d’ensemble, parce que je n’aime pas les plans dont les personnages sont absents : je veux filmer autour d’eux. Pour moi, chaque espace ou chaque maison ressemble au corps humain et je veux l’utiliser pour exprimer un sentiment de solitude », a ainsi déclaré Tsai Ming-liang. Car la solitude et l’incommunicabilité sont bien au cœur des préoccupations du cinéaste (comme elles le furent pour un Antonioni), ce que souligne le style sec d’un réalisateur proposant une vision somme toute pessimiste des rapports humains. Et si d’aucuns regretteront le caractère un brin abscons des symboles (le trouble des liquides, de l’eau aux larmes en passant par diverses sécrétions), on ne peut que louer la cohérence d’un réalisateur qui ne se prive pas pour autant de digressions farfelues (les relations difficiles entre la mère et son amant, receleur de vidéos pornographiques). La rivière est donc l’un sommets de la filmographie du cinéaste. Il poursuivra son œuvre singulière, mais avec moins de fulgurances, dans les deux décennies qui suivront.
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