Depardieu dans un film culte de Blier
Le 22 janvier 2025
La cavale de trois individus déjantés et paumés. Cette fable jubilatoire est peut-être le meilleur film de Bertrand Blier. Un chef-d’œuvre d’humour absurde et de mélancolie désabusée.


- Réalisateur : Bertrand Blier
- Acteurs : Gérard Depardieu, Carole Bouquet, Jean Benguigui, Bernard Blier, Liliane Rovère, Marco Perrin, Jean Carmet, Geneviève Page, Denise Gence, Jean Rougerie, Pierre Frag, Michel Fortin, Bernard Crombey
- Genre : Comédie dramatique
- Nationalité : Français
- Distributeur : Splendor Films , UGC Distribution
- Editeur vidéo : Studiocanal
- Durée : 1h29mn
- Date télé : 26 janvier 2025 23:25
- Chaîne : Arte
- Reprise: 26 avril 2023
- Date de sortie : 19 décembre 1979

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– Reprise en version restaurée : 26 avril 2023
Résumé : Tout commence quand Alphonse Tram, chômeur, rencontre un inconnu dans les couloirs déserts du RER. Il le retrouve quelques temps plus tard assassiné avec son propre couteau. Dans la tour immense qu’il habite, il fait alors successivement connaissance d’un commissaire de police et de l’assassin de sa femme et se retrouve entraîné dans une série de meurtres plus surréalistes les uns que les autres.
Critique : Auréolé du succès de Préparez vos mouchoirs, Oscar du meilleur film étranger, Bertrand Blier se vit octroyer davantage de marge de manœuvre pour mener à bien ce bijou d’humour noir et d’absurde. Buffet froid est un peu au cinéma français ce que les pièces de Ionesco constituent au théâtre contemporain : un témoignage de liberté dans la narration et une noirceur au-delà du burlesque des situations, révélant une vision pessimiste de la communication et des rapports humains. C’est aussi son film le plus épuré : la froideur des décors (des stations de métro à un lac faussement calme, en passant par une cité lugubre), dans des lieux désertés, hantés par les seuls protagonistes, crée un effet de distanciation et de dépouillement qui prolonge et dépasse les innovations déployées dans Les valseuses (1973), la veine picaresque étant ici plus discrète bien que toujours présente, surtout dans la dernière partie du film.
- © Splendor Films
Dès les premières séquences (d’anthologie), affrontements verbaux entre Gérard Depardieu et Michel Serrault (non crédité au générique), tout l’univers de Blier est déjà installé avec son goût pour les mises en abyme (Alphonse a-t-il tué le quidam ?), des situations saugrenues (le couteau qui disparaît dans un lieu désert), de la dimension temporelle évacuée (quand a eu lieu le meurtre ?) et du thème de la disparition en filigrane dans tout le film. La boucle sera bouclée au dénouement, avec l’apparition de Carole Bouquet, incarnation de la Mort la plus marquante au cinéma depuis Maria Casarès dans Orphée. Si Blier ira encore plus loin dans l’éclatement du récit, de Trop belle pour toi au Bruit des glaçons, Buffet froid reste peut-être son meilleur film par l’impression d’étrangeté qu’il diffuse et des dialogues savoureux (« Je vous présente l’assassin de ma femme »), un peu comme si Audiard tendait la main au Jean-Claude Carrière de Belle de jour, même si l’on est ici ni chez Lautner, ni chez Buñuel.
- © Splendor Films
Cette ambiance irrationnelle dans un cadre rassurant, cette greffe d’un cinéma populaire sur un schéma de film d’auteur est sans doute ce qui expliqua l’échec public d’un film aujourd’hui culte, quand l’œuvre suscita d’emblée un consensus critique : même Jacques Siclier du Monde ou Claude-Marie Trémois de Télérama, détracteurs d’un cinéaste jugé grivois et vulgaire, concédèrent que c’était un bon film... Voir ou redécouvrir Buffet froid, c’est aussi ressusciter une époque où le moindre petit rôle était soigné par les scénaristes, qui n’hésitaient pas à recourir à des comédiens chevronnés. Bernard Blier, père du cinéaste, offre ici l’une de ses dernières grandes compositions en policier véreux. Jean Carmet n’est pas moins bon en tueur minable. Denise Gence, Jean Benguigui, Marco Perrin, Jean Rougerie, Liliane Rovère ou la lumineuse Geneviève Page complètent un casting jubilatoire.
– César 1980 : meilleur scénario