Le 23 janvier 2025
Ode au cinéma bouleversante et comique ou grand n’importe quoi, difficile de trancher. Mais le plaisir est constant.


- Réalisateur : Bertrand Blier
- Acteurs : Charlotte Gainsbourg, Gérard Depardieu, Catherine Jacob, Jean-Louis Trintignant, Éric Prat, Thierry Frémont, Michel Blanc, Anouk Grinberg, Vincent Grass, Philippe Clévenot, Jean Carmet, Anouk Ferjac, Yves Rénier, Annie Girardot, Jean-Michel Noirey, Michel Berto, Didier Bénureau, Christiane Jean, Jean Rougerie, François Perrot, Jacques Boudet, Jean-Michel Dupuis, Laurent Gamelon, Maria Pitarresi, Jacques Seiler, René Remblier
- Genre : Comédie dramatique
- Distributeur : AMLF Distribution
- Editeur vidéo : Studiocanal
- Durée : 1h57mn
- Date télé : 29 septembre 2023 21:00
- Chaîne : OCS Géants
- Box-office : 1 088 777 entrées France / 326 783 P.P.
- Date de sortie : 13 mars 1991

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Résumé : La randonnée de deux jeunes filles, sur les routes, pendant l’Occupation allemande...
Critique : Le film dans lequel Blier ose tout, une œuvre monde foutraque et totalement imprévisible, qui court dans tous les sens au risque évident d’épuisement. Il part pourtant presque sagement, enfin pour un film de Blier, avec Joëlle, qui, en robe de mariée, se fait frapper par un homme près de la mer. On est en sépia, et la couleur survient en même temps que Camille et son caddie chargé de mouettes. Presque sages, leur rencontre et les bons mots qui l’émaillent. Mais le métrage s’emballe très vite, au gré de personnages qui surgissent, de plus en plus incongrus, jusqu’à mêler les époques (la Seconde Guerre mondiale fait une apparition inattendue et envahit le présent), les genres, les tons, avec presque toujours une distanciation : les acteurs commentent le film, quand ce ne sont pas les réalisateurs qui échouent à tourner, comme des parodies de Blier (« les chefs-d’œuvre, ce sera pour plus tard »).
Dans ce fatras et cette narration brisée, contestée, il est difficile de trouver une cohérence : on peut toujours y voir un pendant féminin des Valseuses ou une sorte de récapitulation du vingtième siècle, des tranchées au SIDA, voire une traversée de l’histoire du cinéma : il y a du romanesque avec orchestre (Michel Blanc et Anouk Grinberg dans le train), du comique, du moderne avec adresse à la caméra et tournage, et des comédiens de générations différentes. Mais c’est surtout pour eux, les comédiens, que Merci la vie a été créé : on sent l’infinie tendresse que Blier leur voue, soit dans des monologues (Carmet et Girardot pleurant sur leur âge et leur carrière), soit dans des échanges doux ou virulents. De ce point de vue, il y a bien unité : chacun a son moment, sa scène, malgré l’importance de la distribution. Mais c’est à Grinberg et Gainsbourg qu’il confie le meilleur, qu’elles soient provocantes, rageuses ou démunies. La première et sa voix de femme-enfant, la seconde et sa fragilité adolescente parviennent à toucher et à faire rire avec les plus improbables répliques (« A chaque fois que j’essaie de m’élever, y a pas d’ascenseur », « tu la sens, l’émotion qui passe ? »).
Au fond, mieux vaut se laisser aller à ce maelstrom d’images et de sons, oublier les facilités (l’équation nazisme = SIDA est au moins discutable) et jouir des décalages permanents, des échanges verbaux surprenants. Merci la vie est une sorte de zapping (le mot est de Blier) conçu comme une expérience limite farcie de mises en abyme et de coqs-à-l’âne ; c’est aussi et peut-être surtout une déclaration d’amour au cinéma, celui qui envahit la réalité au point qu’il se confond avec elle, qui fait que la vie semble perpétuellement mise en scène au point que, nus et parqués dans un wagon, les gens cherchent la caméra. Pour cette passion, mais aussi pour l’humour audacieux et les répliques parfois hilarantes, ce film porté par des acteurs prodigieux reste comme une tentative inaboutie, excessive mais palpitante.
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