Préparez vos mouchoirs - Bertrand Blier - critique

Critique : Il y a toujours eu, chez Bertrand Blier, une volonté de provoquer le bourgeois, tout en se référant à une tradition du bon mot à la Audiard, si représentative d’une certaine qualité française. Bref, ce metteur en scène qui s’autoproclame franc-tireur par le biais de quelques scènes provocantes, est en fait partagé entre une sympathie pour une vague idée de la contestation soixante-huitarde, dont il n’a retenu que les apparences, et une allégeance à la tradition d’un cinéma de papa (le sien était d’ailleurs un acteur très connu). Préparez vos mouchoirs ne déroge pas à cette tendance, qui a tourné au vinaigre, au fil des années, le cinéma de Blier devenant ronchon, réactionnaire et artistiquement pauvre. Ou alors le réalisateur s’est finalement rejoint, c’est une hypothèse plausible.
Comme souvent chez l’auteur de Buffet froid, la scène d’ouverture donne le ton du film, mais configure artificiellement la surenchère, sur un mode très théâtral : dans un café, un homme enjoint sa femme d’aller voir ailleurs, puisqu’il ne la satisfait plus physiquement. C’est le début du show Depardieu que la caméra filme de manière extatique. Carole Laure remplace Miou-Miou, avec une moue semblablement boudeuse, le talent en moins. Cette cousine de la Marie-Ange des Valseuses (même ennui avec les hommes, même passivité) ne sera satisfaite par aucun des adultes qui l’entourent, trouvera du réconfort auprès d’un adolescent surdoué, souffre-douleur de ses camarades de colo. Le thème est évidemment sulfureux, mais on a la très nette impression qu’au-delà des situations scabreuses, le metteur en scène bégaie son cinéma pour décalquer son succès de 1974, en rameutant le duo mythique Depardieu-Dewaere et en ne changeant rien à la typologie des personnages (l’un assume le rôle de leader, l’autre de suiveur). En fait, la radicalité de Blier n’est qu’une façade : formellement parlant, il privilégie le scénario et les mots d’auteur à de vrais propositions cinématographiques. Que retient-on de Préparez vos mouchoirs  ? Que les hommes sont incapables de satisfaire les femmes. Même conclusion que dans Les Valseuses, pour répondre aux féministes qui l’avaient accusé de phallocratie dans Calmos. A part ça, pas de quoi fouetter un chat. Des envolées sur Mozart, pleines d’affectation, quelques formules libertaires contre les institutions pour donner le change : c’est du cinéma qui n’a pas les moyens de sa prétention. N’importe quel film de Godard ou de Buñuel relègue Blier au rang de faiseur.