Silent alarm

Franchement, on ne les attendait pas là. Certes, lorsqu’on se trémoussait cet été sur l’intenable Banquet, on s’enthousiasmait secrètement. Mais aussitôt on pensait à tous ces groupes d’outre-Manche capables de fulgurances de génie le temps d’un single avant liquidation totale d’un stock déjà riquiqui. Lorsqu’arrivait le double single Little thoughts/Tulips, on redoublait de vigilance. Enfin Helicopter, cette excitante petite bombe speed pop dédiée aux fins Bush de l’Amérique, achevait de nous faire saliver à l’approche de l’album annoncé. Mais avec de telles armes, on craignait l’équation souvent inévitable "premier album = suite de singles mainte fois entendus". Il n’en est rien, puisque ni Little thoughts ni Tulips n’ont été retenus, et que Banquet a été retravaillé. Mieux, quasiment aucune des excellentes faces B précédentes n’a été conservée, alors que l’album comporte tout de même 13 titres. Ce qui en dit long sur la confiance du groupe en ses nouveaux morceaux.

Aux côtés de la demi-douzaine de nouveaux singles potentiels (This modern love, Positive tension, Like eating glass, Price of gas, tous impressionnants), on trouve des chansons plus retenues, basées sur des arpèges électriques et un xylophone discret (Blue light) qui habillent le disque de textures nouvelles et franchement personnelles. Sur celles-ci, l’incomparable voix de Kele Okereke se fait douce et chevrotante, tout en dégageant une puissance qui éclatait déjà sur les morceaux plus rapides. L’autre atout majeur du groupe, c’est le jeu toujours imaginatif du batteur Matt Tong, tantôt diaboliquement compliqué (Like eating glass, Helicopter), tantôt si basique (Banquet, She’s hearing voices). Combien de groupes de rock apportent aujourd’hui autant de soin aux rythmiques qu’aux mélodies ? Ils se comptent sans doute sur le doigt d’une main dont Bloc Party serait le majeur.

Riche, complexe, regorgeant de surprises et de trouvailles, Silent alarm est à bien des égards un disque exemplaire, qui doit autant à la somme de ses parts qu’à sa structure d’ensemble. Il s’inscrit dans une rare lignée de premiers albums britanniques propices à changer le cours de la pop (The Smiths, The Stone Roses, et le dernier en date, le Parachutes de Coldplay). Certains illustres aînés ont mis quelque temps pour y arriver (Radiohead en tête) ; d’autres réussissent des débuts prometteurs mais connaissent des tourments divers (The Libertines en crise interne, Franz Ferdinand en proie à la mondialisation). Mais cette année, c’est Bloc Party qui a la main. Une main de fer sur des guitares de velours.

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