Le 12 mars 2022
Une rareté à redécouvrir. Ce joli film de Philippe de Broca, d’une modernité éclatante, fut incompris en son temps. Un bon premier rôle de maturité pour Jeanne Moreau.
- Réalisateur : Philippe de Broca
- Acteurs : Jeanne Moreau, Lucienne Legrand, Luce Fabiole, Yves Robert, Didi Perego, Julian Negulesco, Pippo Starnazza
- Genre : Drame
- Nationalité : Français, Italien
- Distributeur : Les Acacias
- Durée : 1h45mn
- Reprise: 16 mars 2022
- Date de sortie : 6 septembre 1972
- Festival : Festival de Cannes 1972, Festival de Cannes 2021
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Résumé : Louise, la quarantaine, divorcée et sans enfant, vit seule à Annecy depuis la mort de sa mère. Elle rencontre Luigi, un immigré italien de vingt ans venu faire fortune en France, et lui offre l’hospitalité. Elle décide de l’entretenir et lui trouve un emploi. Peu à peu, elle s’attache à lui mais leur relation va être bouleversée par la différence d’âge, le poids des dettes de Louise et le regard des autres.
Critique : Adapté de la nouvelle L’éphèbe de Subiaco de Jean-Louis Curtis (1969), Chère Louise est l’une des rares incursions de Philippe de Broca dans le registre dramatique. Présentée au Festival de Cannes 1972, cette coproduction franco-italienne devait aussi marquer le retour de Jeanne Moreau, qui n’avait pas obtenu de grand premier rôle depuis La mariée était en noir (1968) de François Truffaut. Fraîchement accueillie en séance de presse, l’œuvre fut qualifiée de mièvre et dispensable, comparativement à des longs métrages de la trempe de L’affaire Mattei de Francesco Rosi ou Solaris d’Andreï Tarkovsky. À propos de cette expérience cannoise, de Broca a déclaré : « Bizarrement, le film fait un triomphe à la soirée en smoking. Je suis plus applaudi que le Fellini Roma présenté la veille. Du coup, j’étais requinqué. J’ai invité des tas de copains à boire un verre. On a ri jusqu’à six heures du matin. Le lendemain, évidemment, le film a été éreinté dans les journaux ». Et sa sortie en salle, quatre mois plus tard, se solda par un échec public sans appel. Longtemps invisible par la suite, Chère Louise a été restauré par TF1 Studio et Warner Bros. avant une présentation dans la section Cannes Classics en 2021, et une ressortie commerciale en mars 2022, à l’initiative du distributeur Les Acacias.
- © 1972 – TF1 STUDIO – COMPAGNIA CINEMATOGRAPHICA CHAMPION – Warner Bros Entertainment France / © 2022 Les Acacias Distribution
C’est l’occasion de réévaluer un film attachant et subtil. L’adaptation cinématographique, écrite par Jean-Loup Dabadie, annonce ses récits des déboires de quadragénaires en crise, comme Un éléphant, ça trompe énormément (1976) d’Yves Robert ou surtout, pour la tonalité sombre, Une histoire simple (1978) de Claude Sautet. La patte du cinéaste se retrouve quant à elle dans des digressions burlesques (la tournée de la troupe amateur) en conformité avec la plupart de ses films, dont le très décalé Roi de cœur (1966), autre bijou méconnu de sa filmographie. Et l’on pourra trouver dans les hésitations amoureuses de Louise un écho aux sentiments éprouvés par Jean-Paul Belmondo dans Cartouche (1962) ou Jean Rochefort dans Le cavaleur (1978). Là s’arrête la tentative de rattacher le film à l’œuvre globale du réalisateur, tant Chère Louise constitue dans sa carrière un long métrage singulier, intimiste et grave. Les auteurs brossent un beau portrait psychologique de femme divorcée tentant de trouver un nouveau sens à son existence, après le décès de sa mère et une mutation professionnelle à Annecy. Sa rencontre avec le jeune et beau Luigi, immigré italien, ravive en elle une fibre à la fois maternelle et amicale, avant de déboucher sur une relation affective et physique, tout en se heurtant au contrôle social malveillant des bien-pensants.
- © 1972 – TF1 STUDIO – COMPAGNIA CINEMATOGRAPHICA CHAMPION – Warner Bros Entertainment France / © 2022 Les Acacias Distribution
Le personnage de Louise est ici dans le prolongement de ceux d’Edwige Feuillère dans Le blé en herbe (Autant-Lara, 1953) ou Annie Girardot dans Mourir d’aimer (Cayatte), deux ans avant celui de Brigitte Mira dans Tous les hommes s’appellent Ali (Fassbinder, 1974), film lié à celui de Philippe de Broca par sa dénonciation de la condition des immigrés. On s’attache profondément au couple central, dans une histoire qui oscille entre la retenue et les envolées lyriques, bien épaulées par la musique de Georges Delerue. Il faut aussi souligner la qualité de la photo de Ricardo Aronovitch qui parvient un créer une ambiance à la fois romanesque et irréelle, éclairant la ville d’Annecy avec la même virtuosité que le chef opérateur Anthony B. Richmond captant Venise dans Ne vous retournez pas (Roeg, 1973). Il n’est pas superflu d’ajouter que Jeanne Moreau est sublime dans ce film ouvertement féministe, trois ans avant sa composition dans Souvenirs d’en France (Téchiné, 1975). Le jeune acteur d’origine roumaine Julian Negulesco lui donne la réplique avec brio. Il fut l’une des étoiles filantes de la période, au même titre que Leonard Whiting (pressenti pour le rôle), John Moulder-Brown ou Björn Andrésen.
– Nouvelle version restaurée en 4K par TF1 Studio et Warner Bros. à partir du négatif image original.
– Travaux numériques réalisés par le laboratoire VDM en 2021.
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