Le 14 juin 2018
Claude Sautet réalise un beau portrait de femme, qui se révèle aussi un documentaire sur Romy Schneider.
- Réalisateur : Claude Sautet
- Acteurs : Romy Schneider, Claude Brasseur, Bruno Cremer, Madeleine Robinson, Éva Darlan, Jean-François Garreaud, Francine Bergé, Arlette Bonnard, Jacques Sereys, Pierre Forget, Nadine Alari, Roger Pigaut, Joëlle Robin
- Genre : Drame
- Nationalité : Français, Allemand
- Distributeur : Pathé Distribution
- Editeur vidéo : Pathé Vidéo
- Durée : 1h47mn
- Box-office : 2 295 317 entrées France
- Date de sortie : 22 novembre 1978
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Résumé : Marie élève seule son fils adolescent. Sa relation avec Serge s’étiole, et elle décide de le quitter et de ne pas garder l’enfant qu’elle attend de lui. Elle finit par se rapprocher de George, son ex-mari alors qu’en même temps, les amis de Marie ont chacun leurs propres soucis à régler.
Critique : Marie avorte au début du film ; Marie est enceinte à la fin et accepte sa grossesse. Entre les deux, on suit son parcours amoureux, amical et professionnel, les trois s’interpénétrant puisque ce milieu est clos sur lui-même, avec au centre une entreprise face à la crise. Le monde de Claude Sautet à cette époque (il évoluera dans les années 80), c’est celui des cadres supérieurs, des maisons de campagne, de la voiture, du tabac et de l’alcool. Celui aussi d’un réalisme fin qui semble extraire des bouts de vie, choisis presque arbitrairement : peu de drames, pas de grands discours ; on est davantage dans le chuchotement et le silence. Ce parti-pris peut agacer ou ennuyer, d’autant qu’il repose sur certains tics (la caméra à l’extérieur du bar, les repas de groupes, les phrases inachevées) qui frisent parfois la caricature. Mais le film, s’il irrite dans ses débuts, trouve peu à peu ses marques et s’achève en apothéose : un plan magnifique de Romy Schneider fermant les yeux au soleil. Si ce plan paraît ouvert et optimiste, il laisse un goût plus amer puisque c’est une dernière fois : dernière fois que les protagonistes sont dans la maison de campagne qui va être vendue, dernière fois que Sautet tourne avec Romy.
L’actrice y est d’ailleurs magnifique dans le rôle d’une femme attachante, complexe, ballottée par un quotidien banal et sans éclat ; à son image, les personnages expriment à plusieurs reprises leur lassitude et sont souvent pressés ou en retard. Course contre la montre, leur vie, malgré des moments de rire ou de tendresse, repose surtout sur des moments creux, des vides. Ils se parlent beaucoup -mais les plus beaux moments sont silencieux – sans se comprendre. C’est que le dialogue dans sa banalité cache mal des aspirations et des dissimulations contenues ; d’où ces nombreux plans de vitres, miroirs ou fenêtres qui renvoient à la difficulté de communiquer.
Sautet excelle à saisir les petits riens qui densifient ses personnages : un regard appuyé ou perdu dans le vague, une cigarette qui tombe, un plat qui se casse. Il sait faire durer un plan un peu trop longtemps pour capter des expressions subtiles sur un visage – et celui de Romy Schneider en particulier, qu’elle soit à table ou dans un lit. Là, dans ces moments perdus, narrativement sans intérêt, Une histoire simple émeut sans pesanteur.
Si sa caméra sert surtout les acteurs, le cinéaste montre à plusieurs reprises sa maîtrise, que ce soit dans la séquence du suicide, magistrale dans sa rigueur, ou dans ce bref flou qui suit l’enterrement. Seul drame du film, la mort de Jérôme est traitée avec une pudeur et une sensibilité parfaites. Elle a d’autant plus de poids que le personnage a cristallisé nombre de désaccords et d’ententes, ses problèmes (bien actuels) de licenciement rejaillissant sur le couple principal comme sur l’amitié entre Marie et Gabrielle, la femme de Jérôme. Ainsi imbriqués, les destins acquièrent une densité charnelle qui fait de chaque silence et chaque geste un moment précieux ; voir par exemple ce bouleversant moment où Marie entend Gabrielle pleurer, la découvre de dos, avant de l’étreindre avec le simple mot « non ».
Les allergiques à Claude Sautet se gaussent de sa mise en scène, de ses séquences récurrentes. Ils voient dans ses films un reflet de l’époque pompidolo-giscardienne démodé. Pour d’autres, dont nous sommes, ses œuvres singulières, en faisant le portrait précis d’une époque, atteignent au contraire à l’intemporel parce que, au-delà de quelques stéréotypes, il ne cesse d’interroger l’humain dans sa quotidienneté pour en faire surgir les petites faiblesses et les grandes beautés. Dans ce cadre, Une histoire simple, s’il n’a pas la grâce de César et Rosalie par exemple, ne démérite en rien et ne cesse de remuer le spectateur sans effets grossiers ni facilités.
Le test Blu-ray
Les suppléments :
Dans le seul bonus, Eva Darlan et Serge Bromberg proposent des analyses, témoignages et commentaires élogieux et parfois touchants (26mn).
L’image :
Malgré un grain un peu épais, la copie restaurée est de toute beauté : couleur, piqué, contrastes, tout y est ; une nouvelle jeunesse pour ce film. On exceptera de rares plans en-deçà.
Le son :
La piste 2.0 respecte aussi bien les silences que les dialogues, pas toujours très audibles mais de manière volontaire. La musique est légèrement moins mal servie.
– Sortie combo DVD + Blu-ray : le 13 juin 2018
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