Le 27 janvier 2014
- Editeur : YIL Édition
Focus sur un nouveau mode d’édition émergent : l’édition dite fédérative
Nous vous parlions récemment d’un éditeur innovant : YIL édition qui propose un modèle d’édition nouveau à savoir l’édition fédérative. Afin d’en savoir plus sur le fonctionnement de cette structure, nous avons décidé d’interroger Yannick Bunel, responsable éditorial de cette nouvelle maison, qui a accepté de se prêter au jeu des questions/réponses.
Pour commencer, est-ce que vous pouvez vous présenter et expliquer votre parcours ?
Personnellement, je suis l’auteur de la série SF Entre-monde, je m’appelle Yannick Bunel de mon vrai nom et Yanouch pour mon activité d’auteur/éditeur. Autodidacte en tout, j’ai lancé cette BD fin 2008 en auto-édition après avoir essuyé un refus d’édition de toute la profession alors que trop d’auteurs de "premier plan" avaient "encensé" ce premier album.
Deux années en auto-édition m’ont appris que "seul dans son coin" on ne fait pas grand chose et on se fatigue vite... Donc m’est venue l’idée de créer la YIL qui signifie "Yanouch Industrie Lourde", nom qui a été choisi plutôt par dérision puisque au début je n’avais que le produit des ventes de l’Entre-monde pour lancer la boite, soit quelques milliers d’euros...
Justement, en quoi consiste le concept si particulier de YIL édition ?
YIL édition est un éditeur "à compte d’éditeur" fédératif créé depuis mai 2012. C’est une société commerciale en nom propre enregistrée auprès de la chambre des métiers de Quimper. Ses effectifs sont de deux personnes salariées à temps plein, un stagiaire, et plusieurs partenaires externes (web-master...). Le principe est le même que pour tous les éditeurs : éditer les œuvres graphiques (principalement de la BD, mais aussi du roman graphique, livre illustré et artbook) que les auteurs nous soumettent pour les vendre sous forme de livre papier et livre numérique.
En clair nous définissons et signons un contrat d’édition avec le ou les auteurs et nous publions leur œuvres en assumant l’édition, l’impression et la distribution des livres papier et numérique (+ quelques produits dérivés comme les affiches, ex-libris, marques pages et carte postale). La diffusion étant partagé avec notre réseau d’auteurs édités, c’est le pourquoi du mot fédératif et ce qui fait la particularité de YIL.
Mais, comment ça fonctionne une maison d’édition fédérative ? Quelles sont les différences par rapport à un éditeur traditionnel ?
Nous avons créé cette maison d’édition pour contourner les difficultés que peut rencontrer aujourd’hui un projet professionnel, semi professionnel, ou amateur à exister sous la forme d’un livre papier ou numérique.
Chez YIL nous avons choisis d’internaliser l’outil d’impression. Nous imprimons donc sur nos machines gratuitement les livres pour nos auteurs et nous leur envoyons toujours gratuitement les premières séries de 50 exemplaires pour leurs ventes directes qui sont bien mieux rémunérés en droit d’auteur que partout ailleurs, ensuite nous assurons très classiquement (c’est à dire avec un pourcentage de remise concédée et conditions de retour) toutes les ventes chez nos partenaires libraires et festivals en assumant toute la distribution (routage, stock, facturation...).
"la principale difficulté que rencontre un éditeur est la prise de risque financier lorsqu’il veut éditer un projet"
Pourquoi ce mode de fonctionnement ? Car la principale difficulté que rencontre un éditeur est la prise de risque financier lorsqu’il veut éditer un projet. Les quantités imprimées donc les coûts d’impressions dictés par des nécessités de diffusion/distributions classiques sont assez importants et la moindre erreur (surtout au début) ne pardonne pas...
Imprimer ses albums soit même est en partie une solution à ce problème : les livres peuvent être produits en toute petites séries donc permettre à un projet d’exister en livre quelque soit sa notoriété présumée et sans risque financier majeur. La contrepartie de ce beau procédé est bien sûr une rentabilité à court terme beaucoup moins bonne que dans l’industrie. Mais nous croyons plus en la vertu, et la rentabilité, n’est pas forcement ce qui est le plus important dans un monde en plein crash économique.
Le second avantage d’imprimer en interne est que l’activité d’impression pour nos partenaires éditeurs comme particuliers à en quelque sorte remplacer les banques... Elle nous a permis d’acquérir une trésorerie suffisante pour lancer notre catalogue d’édition.
"nous ne choisissions pas, nous vérifions seulement que le projet et l’auteur aient les pré-requis et que les capacités YIL (financières et de production) du moment sont à la hauteur"
Si l’on regarde bien, vous avez un catalogue très diversifié, ce n’est pas gênant au niveau de l’identité éditoriale ? Pouvez-vous nous expliquer comment sont sélectionnés les projets ?
Concernant notre catalogue et ses œuvres éditées, nous ne choisissions pas, nous vérifions seulement que le projet et l’auteur aient les pré-requis et que les capacités YIL (financières et de production) du moment sont à la hauteur. Pour qu’un auteur puisse être édité chez nous il faut que son projet ait une dimension graphique conséquente, et qu’il s’inscrive dans une démarche professionnelle autonome avec un niveau qualitatif minimum. Il faut aussi qu’il accepte l’aspect "fédératif" ce qui implique de participer activement à la communication et la diffusion des œuvres du catalogue (et on le rémunère pour cet effort de diffusion, car comme j’aime à le dire : nos auteurs sont nos meilleurs diffuseurs !).
Il n’y a donc pas à proprement parler de "ligne éditoriale" chez YIL, nous n’intervenons pas sur le contenu artistique d’une œuvre. Les auteurs chez YIL ont tous "carte blanche" dans le respect de la loi française. Ce choix peut paraître surprenant mais nous avons préféré parier sur la diversité et la "fraîcheur" des œuvres que nous éditons, dans un monde, à mon sens, de plus en plus formaté.
Pour le moment notre catalogue est encore jeune, et le nombre de titres parus suffisamment restreint pour que l’on n’ai pas eut le besoin de se soucier de les classer, mais nous envisageons prochainement un système de collection pour que les lecteurs comme les libraires ou les organisateurs de festivals puissent trouver ce qu’ils cherchent.
Nous proposons, par ailleurs, depuis début 2013 des conditions professionnelles à tous les libraires français, suisses et belges. Notre catalogue est très classiquement référencé via les bases Dilicom et Electre, il est normal que les libraires nous commandent de 1 à 50 albums pour leur commerce ou pour les festivals sur lesquels ils assument les ventes.
Pouvez-vous présenter quelques uns de vos projets pour 2014 ?
La semaine prochaine (NDLR : cette semaine), YIL publie Tangerine de Pain(t) et Nicolas Archimède puis dans la foulée il y aura Suis le fleuve de Akicraveri et Sketchbook de Patrick Larmé.
Puis viendront Déracinés de Gelweo et Gildas Jaffrenoun, Plus tard je serais... de Marlène et tous les autres (une vingtaine de livres sur 2014). Nous publions en moyennes 2 titres par mois.
La condition unique à la poursuite d’une série est que l’auteur nous remette ses planches et qu’il signe son nouveau contrat, et ce quel que soit le succès commercial du précédent opus.
Pour finir, une annonce particulière à faire aux lecteurs de Bédéo ?
Avec l’ouverture de la YIL libraire prochainement (été 2014, 29100 LE JUCH) et notre projet d’une vaste plateforme internet, savez-vous que chez YIL édition est en train de naître un "monde du livre graphique" tout à fait nouveau ? Un truc un peu dingue, complètement intégré "de la création à la vente", où l’on se prend maintenant pour "les gardiens" du travail de nos auteurs en ignorant tout à fait le sens de mots comme "livre épuisé" ,"intéressement des actionnaires", "frais financiers" et ce pour l’ensemble des œuvres que l’on édite, qu’elles soient jugées "professionnelles" ou pas...
Et pourquoi ? La crise est là, elle n’est pas derrière, elle est devant, et demain nous seront logés à la même enseigne que nos amis grecs, irlandais, espagnols, portugais... Bref, un simple instinct de survie, la vertu en plus !
Merci à Yannick Bunel pouravoir accepté de répondre à nos questions et n’hésitez surtout pas à soutenir une nouvelle démarche éditoriale plein d’avenir. Pour cela rien de plus simple que d’acheter leurs albums.
Galerie Photos
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