Biographie
Le 30 décembre 2008
Un parcours flamboyant et douloureux portant en lui les vicissitudes du XXe siècle.
- Réalisateur : Roman Polanski
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Homme à femmes magnifiques et à films marginaux. Retour sur le destin d’un cinéaste toute sa vie aventurier mais fugitif, heureux mais maudit. Un parcours flamboyant et douloureux portant en lui les vicissitudes du XXe siècle.
Né à Paris le 18 août 1933, Raymond part à l’âge de quatre ans avec ses parents s’installer à Cracovie, puis à Varsovie à l’annonce de la guerre. Tout jeune, Roman (ses parents lui préférant finalement Roman à Raymond) était déjà en fuite, un sentiment qui le poursuivra toute sa vie. Ses parents, craignant le pire, l’envoient chez les Wilk, famille polonaise payée pour le garder en sécurité. Déportation de sa mère, alors enceinte, puis de son père. Roman s’installe chez les Putek, puis les Buchala. Une vie campagnarde (avec les moissons que l’on retrouvera dans Tess), dans des conditions d’extrême pauvreté, la faim au ventre.
La fin de la guerre approche et Roman revient chez les Putek à Cracovie, puis chez ses oncles. Retour surprise de son père. La mère de Roman, elle, fut assassinée dans une chambre à gaz quelques jours après sa déportation. La passion du cinéma grandit chez Roman, à raison de deux films par jour. L’été 46, Roman a treize ans et découvre sa vocation de comédien lorsqu’il ravit l’attention lors d’une veillée de scout : "Ce fut une sensation comme on n’en connaît qu’une fois dans sa vie..." [1]
Roman entre dans " La joyeuse bande", programme radio destiné aux enfants puis joue dans la pièce Le fils du régiment remportant un vif succès, ce qui lui vaudra d’être appelé par la suite par des étudiants de l’École de Lodz pour le tournage de Trois récits. "Pour moi, ce premier contact avec le plateau fut une révélation. Je sus sans l’ombre d’un doute que je voulais passer le reste de ma vie avec ces gens-là." Polanski évite de justesse le service militaire et entre à l’École de cinéma de Lodz où il tourne des films dont Deux hommes et une armoire (1958), médaille de bronze à Bruxelles. Puis, il rencontre Barbara Kwiatkowska, sa future femme.
1961 : Le couteau dans l’eau. Quelques problèmes de tournage et la rupture avec Barbara. Il faudra aussi refaire tout le son du film, Roman doublera alors la voix de l’auto-stoppeur. Articles catastrophiques de la presse : "Tout ce que Polanski possède en fait de diplôme de cinéma, c’est un permis de conduire international !", mais prix à Venise en 1962. Rencontre avec Gérard Brach, alors aussi fauché que Polanski. Ils mettent tous les deux au point le scénario de Cul-de-sac, dont le titre original était Riri. "Gérard et moi venions d’être trahis par une femme et le personnage de Theresa naquit d’un besoin de revanche." Il réalise ensuite le sketch Rivière de diamants, dans le film Les plus belles escroqueries (1963) et éponge ses dettes.
Vient alors Répulsion (1965). Le script de Roman et Gérard Brach est achevé en dix-sept jours. Deneuve doit tourner sans maquillage et campe très bien le personnage "à tel point qu’à la fin du tournage elle était devenue lointaine et un peu folle". Ours d’argent au festival de Berlin. Malgré un tournage pluvieux et violent, Polanski mène à bien Cul-de-sac (1966). Le film rencontre un certain succès et est souvent considéré aujourd’hui comme son meilleur. Il enchaîne avec Le bal des vampires (1967). Rencontre avec Sharon Tate. "Je n’avais jamais rencontré quiconque qui lui ressemblât." Idylle sur le tournage, puis ils vivent ensemble à Londres. Le film était drôle et réussi mais "charcuté" par la production.
On envoie à Polanski l’histoire de Rosemary’s Baby (1968). Le film sera vu par les yeux de Rosemary (renforcé par l’emploi de focales courtes). C’est un triomphe. "Pour la première fois de ma vie, je n’avais pas besoin de me débattre pour survivre. Le succès immédiat de Rosemary’s Baby fit de moi une manière d’enfant chéri de Hollywood." Hélas, l’été 1969, alors qu’il est en Europe, son épouse, Sharon Tate, est assassinée en Californie par la bande à Manson. "Je n’arrêtais pas de gémir : "Non, non !" en balançant des coups de poing dans les murs. [...] Est-ce qu’elle savait combien je l’aimais ?, ne cessai-je de répéter en polonais. Est-ce qu’elle le savait ?" La presse s’acharne avec haine sur Polanski, le traitant de drogué et de pervers. Il s’enfuit à Paris, y retrouve les paparazzi. Dépressif, il décide de tourner Macbeth (1971).
"Depuis ma jeunesse à Cracovie, j’avais toujours voulu tourner pour le cinéma l’une des pièces de Shakespeare." Pluies incessantes sur le tournage. "Par moments, j’avais l’impression de tourner une espèce d’épopée sous-marine." Au final, de mauvaises critiques le font partir en Italie où il filme aussitôt What ? (1972) avec Marcello Mastroianni. "Ce fut le premier film que je terminai avant la date prévue." Succès uniquement en Italie.
Jack Nicholson l’appelle pour faire Chinatown (1974). Il rédige le script avec Bob Towne qui n’aime pas la fin, trop tragique. "L’effet dramatique du film serait perdu si le public ne quittait pas son siège scandalisé par l’injustice de tout cela." Faye Dunaway pose quelques problèmes sur le tournage mais le film rencontre un immense succès public et critique.
Polanski retourne en Italie et monte la pièce Lulu, d’Alban Berg : "Renouer avec le théâtre après plus de vingt ans fut une expérience prodigieuse... la seule odeur du fard suffisait à me faire battre le cœur." Il réalise ensuite et dans un temps record le sublime Locataire (1976) d’après le roman de Roland Topor. Les critiques n’aiment pas voir Adjani en souillon ni n’apprécie l’intrigue elle-même que Polanski reconnaît comme n’étant pas assez bien ficelée.
Changement de décor pour mettre en scène Rigoletto à Munich où il rencontre Nastassia Kinski alors âgée de quinze ans. Octobre 1976, il part faire des photos d’elle pour Vogue aux Seychelles. Il photographie aussi chez Jack Nicholson une fille audacieuse de quatorze ans, couche avec elle et est accusé de viol. Il est emprisonné en décembre 1977 : "J’étais désemparé, débordant d’inquiétude, totalement ignorant de ce qui m’attendait." À sa sortie, le juge Rittenband l’assure qu’il le refera plonger et Polanski quitte les USA sachant qu’il ne pourra plus y revenir sans y être incarcéré.
Il tourne Tess (1979) par fidélité à Sharon Tate qui lui avait offert le livre juste avant son assassinat. Deux mille neuf cents kilomètres pour repérer les lieux, neuf mois de tournage. Claude Berri, producteur du film, s’endette. Mort du chef opérateur du film Geoffrey Unsworth, le tournage s’enlise et se termine sur des disputes. Polanski part faire une pause dans... l’Himalaya ! Tess sera un succès planétaire. Retour en Pologne, Polanski retrouve son mentor Lomnicki et joue dans la pièce Amadeus (1981). Un nouveau triomphe.
Énormes problèmes de tournage pour son vieux projet, Pirates (1986). Le film est un échec coûteux malgré des qualités indéniables. Il enchaîne comme à son habitude avec un tout autre genre, Frantic (1988), avec Harrison Ford, où l’on retrouve l’angoisse même d’un cinéaste dont on a volé la femme, perdu dans un monde étranger. Une belle réussite.
L’année suivante, il se marie avec Emmanuelle Seigner, avec qui il a deux enfants (Morgane et Elvis). Avec elle, il tourne en 1992 Lunes de fiel, comédie dérangeante sur le sexe, devenue culte dans certains pays. Deux ans plus tard sort La jeune fille et la mort, l’histoire d’une femme qui retrouve son tortionnaire. Un film personnel où le cinéaste semble nous dire qu’il n’en aura jamais vraiment fini de vivre avec ses vieux démons. Un film fort et noir.
En 1999, c’est La neuvième porte avec Johnny Depp. Par moments éclatant, le film laisse à certains aussi un goût d’inachevé. Mais en 2002, Polanski reçoit la Palme d’or avec Le pianiste, basé sur une histoire vécue, celle d’un pianiste célèbre mais aussi celle du cinéaste qui semble entamer une boucle (finale ?) sur ses origines et son enfance meurtries. Avec Oliver Twist, qu’il dédie à ses enfants et à la jeunesse, Roman Polanski s’adresse à l’avenir.
Filmographie
– Deux hommes et une armoire (Dwaj ludzic z szafa, court métrage, 1956)
– Rire de toutes ses dents (Usmiech zebiczny, court métrage, 1957)
– Cassons le bal (Rozbijemy zabawe, court métrage, 1957)
– Meurtre (Morderstwo, court métrage, 1957)
– Quand les anges tombent (Gdy spadaja z nieba anjoly, court métrage, 1958)
– La lampe (court métrage, 1958)
– Les mammifères (Saaki, court métrage, 1962)
– Le couteau dans l’eau (Noz w wodzie, 1962)
– Répulsion (Repulsion, 1965)
– Cul-de-sac (1966)
– Le bal des vampires (Dance of the Vampires, 1967)
– Rosemary’s Baby (1968)
– Macbeth (The Tragedy of Macbeth, 1971)
– What ? (What ?, 1972)
– Chinatown (1974)
– Le locataire (1976)
– Tess (1979)
– Pirates (1985)
– Frantic (1988)
– The King of Ads (segment Vanity Fair Commercial, documentaire, 1991)
– Lunes de fiel (1992)
– La jeune fille et la mort (1994)
– La neuvième porte (The Ninth Gate, 1999)
– Le pianiste (The Pianist, 2001)
– Oliver Twist (2004)
– Chacun son cinéma ou Ce petit coup au cœur quand la lumière s’éteint et que le film commence (segment Cinéma érotique, 2007)
– The Ghost Writer (2010)
– Carnage (2011)
– La Vénus à la fourrure (2013)
– D’après une histoire vraie (2017)
– J’accuse (2019)
– The Palace (2023)
[1] Cette citation et les suivantes sont tirées de l’autobiographie de Polanski, Roman, publiée chez Robert Laffont en 1984, hélas épuisée
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