Le deuxième film britannique de Roman Polanski
Le 9 mai 2021
Un suspense décalé signé Roman Polanski, en forme de huis clos, à l’humour noir assumé. Le plus beau rôle de Françoise Dorléac.
- Réalisateur : Roman Polanski
- Acteurs : Françoise Dorléac, Lionel Stander, Jacqueline Bisset, Donald Pleasence, Jack MacGowran, Iain Quarrier, Robert Dorning
- Genre : Comédie dramatique, Thriller, Noir et blanc
- Nationalité : Britannique
- Distributeur : Carlotta Films
- Editeur vidéo : Carlotta Films
- Durée : 1h56mn
- Date télé : 28 janvier 2023 21:00
- Chaîne : OCS Géants
- Reprise: 24 mai 2017
- Date de sortie : 1er novembre 1966
- Festival : Festival de Berlin 1966
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– Sortie DVD & Blu-ray : 5 mai 2021
Résumé : Dans le Northumberland, sur une route déserte de bord de mer, deux hommes que l’on repère vite comme des gangsters en cavale, Dick (Lionel Stander) et Albie (Jack McGowran) sont en panne de voiture. Le premier est blessé au bras, le second plus mal en point, a pris une balle dans le ventre. Dick va laisser son comparse dans la voiture pour essayer de trouver un téléphone. Sur une autre plage, il aperçoit une jeune femme (Françoise Dorléac) folâtrer avec un jeune homme blond (Ian Quarrier). Il arrive ensuite devant une forteresse. Un homme (Donald Pleasence) fait visiter la demeure à de lointains voisin. Ce qu’il ne sait pas encore, c’est que la propriété devient une île à marée haute....
Critique : C’est une histoire décalée, teintée d’un humour noir savamment dosé que nous propose Roman Polanski avec son deuxième long métrage tourné en Grande-Bretagne après Répulsion (1965). De nouveau, le film est en noir et blanc et son scénario est coécrit avec Gérard Brach.
Le couple formé par George (Donald Pleasence) et Teresa (Françoise Dorléac) est suffisamment improbable pour accentuer le malaise créé par l’irruption de ce malfrat indélicat. Si Dick (Lionel Stander) méprise tout de suite George, ancien industriel qui se prend pour un peintre, il est fasciné par la démarche féline et les rires intempestifs de Teresa. La fragile constitution du couple tout récemment marié risque de vaciller devant les exigences du gangster.
La tension est perpétuellement palpable dans ce château isolé et même coupé du monde la moitié du temps. On se demande bien à quoi passaient leur temps George et Teresa, avant l’irruption de Dick. Il n’y a que des œufs à manger (ils élèvent des poules), lui a l’air un peu frappé et elle passe son temps à se vernir les ongles devant un pick-up. L’intrusion du premier, puis celle du second gangster, vont créer une belle zizanie, d’autant que les personnages seront encore plus coupés du monde quand Dick aura sectionné les fils du téléphone, après avoir appelé son chef à la rescousse.
- Cul-de-sac © 1966 Compton Telki Productions. Tous droits réservés. © 2021 Tigon Film Distributors / Impex-Films. Tous droits réservés.
Le cinéaste installe une ambiance grinçante dans ce huis clos à ciel ouvert, dont on ne sait quelle sera l’issue, tant le film oscille constamment entre rire et grimace. Même si les rapports sont tendus, on est agacé de voir arriver des visiteurs qui semblent gêner le processus engagé dans cette pseudo-prise d’otages. Les acteurs principaux collent parfaitement au style adopté par Roman Polanski. Lionel Stander en gangster violent, mais futé, apporte son physique massif et sa tête énorme marquée par la vie. Donald Pleasence, tout frêle au contraire, des yeux exorbités derrière ses lunettes de myope, campe le rôle ingrat d’un pseudo-intellectuel pleutre et lâche. Françoise Dorléac, choisie à la dernière minute, car sœur de Catherine Deneuve qui venait de tourner Répulsion, est éblouissante par sa fraîcheur exubérante et son impudeur assumée. C’est probablement l’un des meilleurs rôles de cette actrice trop tôt disparue (à seulement 25 ans en 1967). Cette prestation nous fait regretter la carrière qu’elle n’a pas pu avoir.
Il s’agit certainement de l’un des meilleurs films de Roman Polanski, qui a tout de même réalisé plusieurs chefs-d’œuvre au cours de sa carrière bien remplie. Aussitôt après ce film, ce sera sa première incursion américaine avec Le bal des vampires ("The Fearless Vampire Killers"), en 1967.
Le test DVD :
- Cul-de-sac © 1966 Compton Telki Productions. Tous droits réservés. © 2021 Tigon Film Distributors / Impex-Films. Tous droits réservés.
Carlotta Films édite le 5 mai 2021 le film dans une version restaurée, quatre ans après sa reprise en salles. Le chef-d’œuvre de Polanski est également disponible dans un format Blu-ray que nous n’avons pas testé. La sortie du DVD est simultanée à celle de deux autres longs métrages du réalisateur, à savoir Le couteau dans l’eau et Répulsion.
L’image
La restauration est splendide et valorise le noir et blanc du directeur de la photographie Gilbert Taylor. On appréciera en particulier les prises de vue extérieures (sur la route déserte du bord de mer, aux abords de la forteresse) qui contribuent au climat d’étrangeté de cette œuvre décalée.
Le son
La restauration sonore est de qualité. Du cri des mouettes à la musique jazz (discrète mais prenante) de Krzysztof Komeda, le DVD est un enchantement pour l’ouïe. Nous n’avons pas testé la version française. La version originale en langue anglaise avec sous-titres français est impeccable. Il est à noter que la divine Françoise Dorléac n’est pas doublée dans la VO. Son timbre de voix particulier est ici assorti d’un delicious french accent.
Les suppléments
- Cul-de-sac © 1966 Compton Telki Productions. Tous droits réservés. © 2021 Tigon Film Distributors / Impex-Films. Tous droits réservés.
– Le documentaire Deux gangsters et une île (23 mn)
Ce documentaire retrace la trajectoire de Cul-de-sac, de la recherche du casting au tournage sur l’île de Lindisfarne, au nord de l’Angleterre, où Roman Polanski et son équipe ont parfois dû faire face à des acteurs incontrôlables.
Le documentaire met en exergue des témoignages intéressants bien que souvent anecdotiques, de la part de Roman Polanski, mais aussi d’autres noms liés au métrage dont le coproducteur Gene Gutowski et le directeur de la photographie Gilbert Taylor. L’on y apprend que le tournage et le pré-tournage ne furent pas de tout repos, de la pression exercée par la production aux conditions météorologiques, en passant par l’hostilité des habitants de Holy Island et les tensions avec les acteurs. Si Françoise Dorléac et Jack MacGowran ont été coopératifs, il n’en a pas été de même pour l’excentrique Donald Pleasence et surtout Lionel Stander, qui refusait de refaire des prises ou se montrait odieux avec ses collègues. Quant au beau Iain Quarrier, pote de virée de Polanski et second couteau de la Swinging London, ses addictions à la drogue ne lui permettaient pas une concentration optimale. Au-delà de ces informations somme toute secondaires, Deux gangsters et une île révèle que Polanski était entouré d’une équipe qui l’avait soutenu sur Répulsion, mais ne semblait guère ici croire en son projet. Seul son coscénariste Gérard Brach lui faisait confiance pour la capacité à faire d’un récit policier traditionnel un film d’atmosphère décalé. Le temps a fait son jugement et Cul-de-sac est désormais considéré comme une œuvre culte et l’un des meilleurs longs métrages de son réalisateur.
– Trois courts métrages réalisés par Roman Polanski (pas de HD pour le format DVD)
Quand les anges tombent (Gdy spadają anioły – 1959 – N&B et Couleurs – 22 mn)
Une dame pipi oppose au triste spectacle de l’urinoir l’imagerie flamboyante de ses souvenirs…
Une splendeur d’émotion et de mise en scène. Alternant le noir et blanc pour le vécu actuel de la vieille dame et les couleurs pour les flash-back de son existence mouvementée, ce court-métrage restauré contient plusieurs éléments de l’œuvre à venir de Polanski, comme l’étrangeté au sein du quotidien (certains personnages de l’urinoir) ou le traumatisme individuel au sein de l’horreur collective (les drames de la guerre). Ni misérabiliste, ni abstrait, le film est en outre porté par la musique à la fois jazz et liturgique de Krzysztof Komeda.
Le gros et le maigre (1961 – N&B – 15 mn) – Inédit.
L’histoire d’un gros et d’un maigre où tout est question de relativité…
Coréalisé en France avec Jean-Pierre Rousseau, le film est presque entièrement muet (pas de dialogues, de bruitage...), mais la musique jazz de Krzysztof Komeda accompagne le récit à l’instar du piano lors des projections de films muets. Le court métrage est un hommage décalé aux maîtres du burlesque (Laurel et Hardy bien sûr, mais aussi Keaton), tout en trouvant la liberté de ton de la Nouvelle Vague française. Roman Polanski interprète lui-même l’un des deux personnages. Un exercice de style insolite, même s’il est moins percutant que le précédent.
Les mammifères (Ssaki – 1962 – N&B – 11 mn)
Deux hommes et une luge dans une grande étendue enneigée…
Tourné en Pologne, ce court métrage restauré est dans la veine du précédent, l’étendue neigeuse remplaçant le cadre bucolique français. De belles prises de vue en noir et blanc, pour un récit plaisant, mais mineur.
– La bande-annonce originale du film
DVD 9 • NOUVEAU MASTER RESTAURÉ • PAL • ENCODAGE MPEG-2
Version originale / Version française Dolby Digital 1.0 • Sous-titres français
Format 1.66 respecté • 16/9 compatible 4/3 • Noir & blanc • Durée du film : 107 mn
Galerie Photos
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