Le 14 mai 2021
Répulsion est la terrifiante description d’un cas clinique de schizophrénie. Polanski signe là son second chef-d’œuvre, bien épaulé par l’interprétation de Catherine Deneuve et la photographie de Gilbert Taylor.
- Réalisateur : Roman Polanski
- Acteurs : Catherine Deneuve, Yvonne Furneaux, John Fraser, Patrick Wymark, Ian Hendry
- Genre : Thriller, Épouvante-horreur, Noir et blanc, Drame fantastique
- Nationalité : Britannique
- Distributeur : Carlotta Films
- Editeur vidéo : Carlotta Films
- Durée : 1h45mn
- Reprise: 24 mai 2017
- Titre original : Repulsion
- Âge : Interdit aux moins de 16 ans
- Date de sortie : 11 janvier 1965
- Festival : Festival de Berlin 1965
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– Sortie DVD & Blu-ray : 5 mai 2021
Résumé : Carol travaille et vit à Londres avec sa sœur Helen. Introvertie, la jeune femme éprouve des problèmes relationnels avec les hommes. Elle repousse Colin, qui la courtise, et n’apprécie pas Michael, l’amant de sa sœur. Alors que le couple part en vacances et qu’elle se retrouve seule dans leur grand appartement, Carol sombre progressivement dans la folie…
Critique : Après le succès critique du Couteau dans l’eau, Roman Polanski devint persona non grata en Pologne et voulut tourner Répulsion au Royaume-Uni. Coécrit avec Gérard Brach, le film eut du mal à trouver un financement, jusqu’à ce que la firme Compton, spécialisée dans le cinéma d’exploitation, accepte de prendre le risque, eu égard à la renommée montante de Polanski. Avec un budget plus élevé qu’une simple série B, le long métrage ne bénéficia cependant pas des moyens importants inhérents à une production prestigieuse. Le récit, le ton, et la mise en scène sont ainsi au carrefour du cinéma de genre (en l’occurrence le fantastique), et d’un style spécifique au cinéma d’auteur. Le portrait psychologique qu’il propose, bien que les auteurs ne se soient pas livrés à des recherches scientifiques à ce sujet, en fait aussi un quasi-documentaire sur un cas de schizophrénie, au point d’avoir suscité l’admiration de spécialistes dont le professeur Richard L. Gregory. En apparence sage et effacée, Carol présente dès le début des symptômes de troubles psychiques, liés à son dégoût de la sexualité et de la proximité physique des hommes. L’éloignement de sa sœur pour un week-end va la faire basculer dans le summum de la maladie. Dès le générique, qui rappelle celui de Vertigo (un œil en gros plan), on songe au cinéma de Hitchcock, qui a manifestement influencé Polanski. Carol n’est-elle pas la cousine franco-anglaise des blondes névrosées campées par Kim Novak dans Vertigo ou Tippi Hedren dans Marnie ? À moins qu’elle ne soit aussi dangereuse qu’Anthony Perkins dans Psychose. Polanski multiplie les indices progressivement, jusqu’à ce que l’évidence apparaisse sur l’écran.
- Répulsion © 1965 Compton Group. Tous droits réservés © 2021 Tigon Film Distributors / Impex Films. Tous droits réservés.
On trouvera aussi des liaisons avec le cinéma de Buñuel (le lapin en décomposition) et même celui à venir de Lynch, avec l’étrangeté de la séquence des bras d’hommes qui sortent des parois du couloir... Mais le film est avant tout celui de Polanski et l’on y décèle des constantes de son univers, déjà présentes dans ses courts métrages polonais, de la manipulation mentale à l’étrangeté issue du quotidien, avec un soin méticuleux apporté à la technique et la composition formelle. Répulsion joue ainsi admirablement du contraste entre le naturel des rues de Londres (dans une approche que l’on pourrait lier au Free cinema) et le décor oppressant et de plus en plus irréel du logement occupé par Carol. Il faut souligner ici le travail du directeur de la photographie Gilbert Taylor et du chef décorateur Seamus Flannery qui servent à merveille la démarche du réalisateur. Répulsion est par ailleurs le premier volet de la « trilogie des appartements maudits », avant Rosemary’s Baby et Le locataire. Fascinant, virtuose et inquiétant, le film est également porté par ses deux actrices françaises (qui ne sont pas doublées dans la version originale). Yvonne Furneaux et surtout Catherine Deneuve, qui ne quitte quasiment jamais l’écran sont admirables. Répulsion obtint le prix FIPRESCI et le prix spécial du jury au Festival de Berlin. Triomphalement accueilli à sa sortie, il permit à Polanski d’enchaîner avec un autre tournage anglais, celui de Cul-de-sac.
Le test DVD :
Le 5 mai 2021, Carlotta Films a édité le film dans une nouvelle version restaurée 2K, quatre ans après sa reprise en salles. Le chef-d’œuvre de Polanski est disponible en édition prestige #14 limitée à 1000 exemplaires. On peut se procurer le long métrage en combo Blu-ray + DVD ou en édition single Blu-ray (que nous n’avons pas testée) ou DVD. Cette réédition est simultanée à celle de deux autres longs métrages du réalisateur, à savoir Le couteau dans l’eau et Cul-de-sac.
- Répulsion © 1965 Compton Group. Tous droits réservés © 2021 Tigon Film Distributors / Impex Films. Tous droits réservés.
L’image
La restauration de l’image est parfaite et redonne une jeunesse à ce grand classique. Le talent du directeur de la photographie Gilbert Taylor est remis à l’honneur, le jeu avec les ombres et lumières du noir et blanc contribuant au sentiment d’oppression de la protagoniste et du spectateur. Il n’est pas superflu de mentionner l’exceptionnelle photogénie de Catherine Deneuve.
Le son
Polanski accordant une grande importance aux bruitages et aux ambiances sonores, on est ravi de constater que la restauration s’est trouvée à la hauteur. Contrairement au Couteau dans l’eau et à Cul-de-sac, la musique n’est pas signée par le fidèle collaborateur Krzysztof Komeda, mais par le batteur de jazz américain Chico Hamilton, dont les percussions s’apprécient davantage avec la restauration. La piste sonore comprend une version originale en langue anglaise, avec sous-titres français de qualité, et une version française (que nous n’avons pas testée). Il est à noter que c’est la voix de Catherine Deneuve que nous entendons dans la VOSTF.
Les suppléments
- Commentaire audio de Roman Polanski et Catherine Deneuve (VOSTF)
Nous n’avons pas testé ce commentaire audio en Dolby Digital 2.0.
– Grand écran : Roman Polanski (21 mn)
Un document rare sur le tournage du film, avec les témoignages de Roman Polanski, Catherine Deneuve et Yvonne Furneaux.
Ce documentaire d’Anne Dastrée a été diffusé à l’ORTF le 29 octobre 1964. Il montre Polanski très précis dans sa direction d’actrices, à l’instar d’un Hitchcock. Le fait est confirmé par Yvonne Furneaux, qui insiste sur la volonté du réalisateur d’extirper les interprètes de la technique théâtrale et cinématographique. Un paradoxe pour un réalisateur qui fut d’abord comédien, ce que rappelle Catherine Deneuve. Plus que la description du cas psychologique de Carol dans Répulsion, le document vaut par le témoignage de Polanski, selon qui un film marquant l’est moins par la qualité de son scénario que par sa capacité à installer durablement ses personnages dans l’esprit des spectateurs.
– Un film d’horreur britannique (24 mn)
Retour sur la production de Répulsion, près de quarante ans après sa sortie. Avec les entretiens de Roman Polanski, du chef opérateur Gilbert Taylor et du producteur Gene Gutowski.
Ce documentaire de David Gregory précise les conditions de production du film. Malgré la nomination à l’Oscar du Couteau dans l’eau, Polanski eut du mal à trouver une société britannique pour produire Répulsion. Personne ne voulait financer ce récit d’horreur aux prétentions psychologiques. Le long métrage ne put se monter que grâce la firme Compton, spécialisée dans le cinéma d’exploitation, qui espérait gagner en prestige en soutenant un jeune cinéaste internationalement reconnu, malgré un budget (65 000 livres) jugé excessif, comparativement aux séries B de son catalogue. Le document vaut par les témoignages de plusieurs membres de l’équipe du film, dont le producteur Tony Tenser et le chef décorateur Seamus Flannery. Ce dernier nous apprend notamment que le manque de budget pour créer des effets spéciaux a nécessité le recours à des techniques artisanales, dont l’utilisation de préservatifs Durex pour la séquence des bras d’hommes qui sortent des parois du couloir...
– Entretien audio avec le professeur Richard L. Gregory (11 mn)
« Polanski est un maître, il contrôle l’esprit des spectateurs comme personne d’autre, peut-être, au cinéma. » Par Richard L. Gregory, professeur en neuropsychologie à l’université de Bristol.
On ne comprend pas trop ce que vient faire ici ce témoignage d’un professeur émérite en neuropsychologie, qui loue le génie de Polanski et annonce que celui-ci avait pour projet de réaliser un film d’horreur en 3D, après le meurtre de Sharon Tate. On aurait préféré entendre l’analyse filmique d’un réel spécialiste du septième art, à l’instar d’un Michel Ciment.
– Deux courts-métrages réalisés par Roman Polanski
. Meurtre (Morderstwo – 1957 – N&B – 1 mn – Muet)
Une silhouette se glisse furtivement dans une chambre obscure où un homme est assoupi…
Ce court métrage ne dure que soixante secondes, mais cette durée suffit au réalisateur pour parvenir à distiller un réel sentiment de malaise...
. La lampe (Lampa – 1958 – N&B – 8 mn)
Un artisan répare des poupées mutilées à la lumière d’une lampe à pétrole…
Une approche à la fois semi-documentaire et de fiction, avec une atmosphère qui semble inspirée de films de genre hollywoodiens (œuvres de Whale, Browning) et d’un certain cinéma fantastique anglais. Le noir et blanc et les cadrages sont somptueux.
– Bandes-annonces originales
Les deux bandes-annonces d’époque (quasiment identiques) sont formellement réussies, mais ont tendance à spoiler l’intrigue de Répulsion. Elles souffrent d’une voix off éloquente et explicative. On conseille de les visionner seulement après avoir vu le film.
DVD 9 • NOUVEAU MASTER RESTAURÉ • PAL • ENCODAGE MPEG-2
Version originale / Version française Dolby Digital 1.0 • Sous-titres français
Format 1.66 respecté • 16/9 compatible 4/3 • Noir & blanc • Durée du film : 101 mn
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