Recorded live

L’idée est généralement acceptée qu’un concert est, par opposition à l’enregistrement d’un album, l’occasion d’exprimer sa musique spontanément, plus basiquement, plus brutalement, tout en étant plus proche de sa source créatrice. Devant la foule, l’improvisateur puise à sa source émotionnelle les inspirations de l’instant. Le musicien rock, s’il joue une partition connue, s’applique à y mettre les émotions qui ont cristallisé le morceau. Mais comment tout cela se déroule-t-il dans le cas où l’on joue de l’instrument qui joue de tous les autres, c’est à dire un sampler géré par ordinateur ? Ce qui est sûr en tout cas, c’est qu’en cas de plantage de la bête on n’a pas l’air fin.

Pour le comprendre, il est nécessaire de replacer les éléments dans leur contexte : Amon Tobin est seul sur scène, face à son ordinateur portable ; au dessus de lui, une armée de spots et d’écrans géants ; devant lui, un public en état d’extase - provoqué par des substances variées. C’est donc dans cette atmosphère moite, survoltée, enfumée et zébrée de faisceaux lumineux multicolores qu’il mène son show. A la manière des DJ, sauf que les vinyles sont remplacés par une banque de données contenant des centaines de samples que sa souris organise pour mettre en place les mesures à venir. Ainsi Tobin se situe-t-il à mi-chemin de l’improvisateur qui crée dans l’instant, sans idée exacte du futur, et du musicien rock qui interprète un morceau dont il connaît chaque mesure sur le bout des doigts. Par nécessité (il n’a pas toujours eu les moyens de se payer le matériel nécessaire à ses ambitions) mais aussi par goût, il a longtemps surfé sur le drum’n’bass et la jungle. Il suffit d’écouter ses premiers albums pour s’en convaincre. Et ce sont ces rythmiques heavy ou ultra-rapides que réclament maintenant encore ses fans transis.

La boîte à rythmes règne donc sur l’ensemble et son pouvoir est si puissant qu’elle assomme souvent l’aspect mélodique, mis au second plan (à mon grand regret). Le répertoire comprend quelques-unes des chansons d’Amon, mais aussi du Aphex Twin, un Velvet Underground, et même des remixes de ses propres morceaux. Et tout va très vite : il mixe une trentaine de morceaux en l’espace d’une heure. Les enchaînements, qui négligent parfois la tonalité des morceaux, ne sont pas toujours heureux du point de vue harmonique. Mais on peut tout de même apprécier nombre de mixes, comme l’imposant triptyque Proper hoodidge/Four ton mantis/Hey blondie qui réunit ses deux chansons les plus heavy.

Un retour aux sources intéressant, mais trop de drums et de basses pour peu de mélodies, ça irrite le système nerveux. Et si on n’est pas sous l’emprise de psychotropes, ça devient rapidement désagréable.