Massive Attack - Mezzanine

Dès l’ouverture de Angel, on est instantanément plongé dans un univers double, naviguant lentement entre la chaleur d’une basse abyssale et le givre de la haute atmosphère. Et cette dualité feu/glace restera tout au long de l’album, la musique se rapprochant de l’un ou l’autre pôle selon l’humeur et le mouvement des morceaux. Puis les guitares saturées s’imposent lentement, presque imperceptiblement, à tel point que, lorsqu’on s’aperçoit qu’elles envahissent la plus grande partie de l’espace musical, on se demande comment cette chanson qui commençait si posément a pu devenir si tumultueuse. Cette finesse avec laquelle sont construits les enchaînements donne aux morceaux un synchronisme dont on ne se lasse pas.
Au chapitre "morceaux remarquables", citons également Dissolved girl, auquel la répétition d’une boucle très courte donne une allure à la fois organique et mécanique, enrichie par une artillerie d’effets et de bruitages qui créent une atmosphère haute en couleurs ; Black milk, peut-être le plus froid de tous les morceaux, où résonne une clameur discrète qui propulse l’auditeur dans la nuit éternellement glacée du cosmos, bercé par la voix de Liz Fraser ; Exchange, morceau instrumental, où s’érigent lentement des végétaux hallucinogènes au cœur d’une forêt magique.
La caractéristique frappante de Mezzanine est l’homogénéité stylistique de morceaux pourtant tous très différents, et le fait - très rare - qu’aucun d’entre eux ne soit à reléguer au statut de déchet relatif. C’est sans aucun doute l’un des albums les plus innovants et les mieux travaillés de ces dix dernières années. Absolument indispensable.