100th window

Autant ne pas le cacher, le Massive Attack de 2003, réduit au seul Robert Del Naja alias 3D, n’a plus grand chose de commun avec celui qui, il y a plus de dix ans, jetait avec Blue Lines de nouveaux liens entre soul, hip-hop et musique électronique. Il suffit d’écouter sur 100th Window les deux titres interprétés par Horace Andy, compagnon de route depuis ces débuts. Sur les dubs éthérés Everywhen et Name Taken, les inflexions jamaïcaines du vétéran du reggae ont été entièrement gommées au milieu d’un environnement robotique et glacé.

Les choix musicaux de 3D, fan de Joy Division, Gang of Four et accessoirement de l’équipe de Naples, se taillaient déjà la part belle sur Mezzanine, au terme de conflits incessants avec ses deux comparses. Le 100th Window ne bouleverse donc pas la donne, mais à en croire 3D, cela ne saurait durer puisque le retour de Daddy G est prévu sur un nouvel album avant la fin de l’année. Noter que si le groupe continuait à se reconstituer à ce rythme (ce dont tout le monde rêve), le DJ démissionnaire Mushroom reviendrait en 2006, et, pourquoi pas Tricky, actuellement en pleine déconfiture créative, vers 2011...

Seul aux commandes, Del Naja propose sa propre version de Mezzanine, revenant sur ses lourds climats crépusculaires, et laissant cependant en cours de route son état d’esprit chaotique et ses brutales déflagrations sonores. Mais le Bristolien, associé à l’ingénieur du son Neil Davidge reste incontestablement sans pareil dans l’élaboration de superbes trames sonores en apesanteur. Parfois très proches du Radiohead de Kid A/Amnesiac (ouverture de Special Cases, beats de Small Time Shot Away), les deux musiciens entremêlent subtilement beatbox nerveuse et cordes indiennes (Butterfly Caught), s’essaient à l’ambient pop arabisante sur Antistar sans succomber à l’emphase. Il n’est pourtant pas iconoclaste de regretter le Massive Attack pourvoyeur de singles tourmentés mais efficaces, du rang de Karmacoma ou Teardrop. D’autant plus que le chant maussade et peiné de 3D, privé de son alter ego Daddy G, retrouve rarement son intensité passée.

Il en va tout autrement de la voix angoissée de Sinead O’Connor, particulièrement troublante au milieu des nappes de synthés du single Special Cases. La chanteuse irlandaise sort du rôle de guest-star new-wave, précédemment échu à Liz Fraser des Cocteau Twins ou Tracey Thorn d’Everything But The Girl, pour marquer de son empreinte un album un brin en dessous de nos attentes. Mais toujours cent fois plus radical que ce qui est habituellement vendu sous le nom déprimant de downtempo.