Supermodified - Amon Tobin

D’origine brésilienne, Amon Tobin est venu s’installer en Angleterre pour débuter chez Ninja Tune sous le pseudo Cujo. Depuis, il s’est lentement frayé un chemin vers une renommée bien méritée. Peut-être est-il un maître des clés, un de ces génies qui ouvrent les portes aux autres. Il est en tout cas déjà maître de ses machines puisqu’il ne travaille qu’à partir de samples savamment trafiqués en provenance essentiellement de morceaux jazz, jungle, de musiques de films et bien sûr de synthétiseurs.

Au fil du temps, son style se fait de plus en plus personnel et dans ce sens, Supermodified semble marquer une progression importante, dans le prolongement des nouveautés apparues dans le précédent Permutation : les débauches de plans jungle qui caractérisaient bon nombre de ses morceaux font place à des percussions originales, plus raffinées, pour des rythmes souvent plus lents ; l’harmonie se développe en structures étonnamment complexes qui érigent même le bonhomme au statut de chef d’orchestre électronique ; les fréquences aiguës concentrent désormais la plus grande partie des éléments musicaux. L’architecture des morceaux consiste en la répétition d’une courte phrase musicale dépassant rarement deux ou trois mesures, sur laquelle Tobin vient plaquer des phrasés rythmiques dignes de soli de batterie, de riches nappes sonores et de nombreux fragments de mélodies qui forment souvent un ensemble atonal et interagissent de telle manière qu’on en découvre de nouveaux aspects à chaque écoute.

Il ne lui reste plus qu’à mettre en pratique cette méticuleuse alchimie pour produire une introduction véloce (Get your snack on), les aventures binaires d’une énorme mante religieuse en métal (Four ton mantis), la douce chaleur du crépuscule sur un océan austral (Slowly), une immersion profonde dans les entrailles mécaniques d’une frégate (Marine machines), une confrontation déséquilibrée (Golfer vs boxer), une tristesse qui n’a même pas droit au repos (Deo), la musique qu’écoutent les petits hommes verts (Precursor), un suspense digne d’une mission impossible (Saboteur), les déboires exquis d’un Léonidas sur mon palais et dans mon estomac (Chocolate lovely), le magma qui s’écoule le long d’un volcan (Rhino jockey), une journée merveilleuse au parc d’attractions (Keepin’ it steel) et pour finir, rien de moins qu’un séjour au jardin d’Eden (Natureland).

Le laboratoire Tobin a su mettre en œuvre des protocoles savamment élaborés pour supermodifier des réactifs choisis avec soin en joyaux sonores. Mais renouveler et enrichir cette expérience de transmutation avec le même succès est une gageure philosophale.