Fiction intra muros
Le 20 mai 2012
Tout en modestie mais avec une ingéniosité remarquable, Ceci n’est pas un film constitue le témoignage authentique d’un cinéaste brimé mais déterminé à contourner les mécanismes de censure. Un exercice périlleux, authentique et passionnant.
- Réalisateur : Mojtaba Mirtahmasb
- Acteur : Jafar Panahi
- Genre : Comédie dramatique, Documentaire, Expérimental
- Nationalité : Iranien
- Durée : 1h15mn
- Date de sortie : 28 septembre 2011
- Plus d'informations : http://youtu.be/awwmI4mN0HQ
- Festival : Festival de Cannes 2011
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Tout en modestie mais avec une ingéniosité remarquable, Ceci n’est pas un film constitue le témoignage authentique d’un cinéaste brimé mais déterminé à contourner les mécanismes de censure. Un exercice périlleux, authentique et passionnant.
L’argument : Depuis des mois, Jafar Panahi attend le verdict de la cour d’appel. A travers la représentation d’une journée dans la vie de Jafar Panahi, Jafar et un autre cinéaste iranien, Mojtaba Mirtahmasb, nous proposent un aperçu de la situation actuelle du cinéma iranien.
Notre avis : Ceci n’est pas un film : le titre, réminiscence d’un tableau célèbre de Magritte, pourrait sonner comme une provocation avant-gardiste. Mais le choix de cette formule n’a rien d’un slogan racoleur ou ironique : il est même d’une redoutable pertinence. Car force est de constater que cette oeuvre intimiste a peu de choses en commun avec ce que l’on peut voir sur les écrans. Pas d’histoire, pas d’acteur, pas vraiment de réalisateur à créditer à son générique. Comme le précise la citation qui accompagne certaines affiches : "Un film n’est jamais ce qu’on raconte mais ce qu’on réalise". La différence est de taille et la définition résume de façon exemplaire le projet.
Dans ce vrai-faux documentaire, c’est précisément la narration qui occupe le premier plan. Assigné à résidence en attendant sa peine de prison, frappé d’une interdiction de réaliser des films pendant 20 ans - comme nous l’apprend la séquence d’ouverture, conversation téléphonique entre le cinéaste et son avocate optimiste - Jafar est contraint de raconter sous nos yeux, devant la caméra d’un ami, le film impossible qu’il aurait tant voulu mettre en scène. Son récit nous introduit à une mise en abyme où se déploie toute l’ingéniosité débordante de Ceci n’est pas un film. Le scénario raconté redouble en effet, par un jeu de thématiques croisées, la situation réelle dans laquelle se trouve le cinéaste : c’est l’histoire d’une jeune fille issue d’un milieu ouvrier conservateur, que ses parents séquestrent le jour de son inscription aux Beaux-Arts pour l’empêcher de poursuivre une formation artistique. A défaut de décors et d’acteurs réels - entrevus au moyen de photographies prises sur son Iphone - Panahi trace dans les contours d’un tapis, grâce à quelques morceaux de scotch, un simulacre de maison pour son héroïne. Une chaise fera office de fenêtre, un simple oreiller figurera le lit : le geste, a priori, peut sembler désespéré, la narration illusoire, mais en dépit de ce minimalisme la magie opère. Et à travers elle, c’est peut-être même une part de sa liberté que reconquiert le cinéaste.
C’est que l’artiste a subi une métamorphose : ne pouvant mettre en scène, il est devenu acteur, narrateur et même, critique de ses propres longs-métrages. Tout artifice n’est pas abandonné pour autant : on notera le clin d’oeil savant à Buried, film claustro qui figure au premier plan de sa DVDthèque, écho malicieux à sa propre situation politique. Mais l’ingéniosité est discrète et les commentaires faits par le réalisateur ne tournent pas en sa faveur : ils font plutôt de lui une figure absente, effacée derrière l’éloge de ses acteurs et de leur grande force captative - séquences de Sang et Or et du Cercle à l’appui. Panahi fait ainsi preuve d’une humilité exemplaire, d’une forme de résignation forcée mais non dépourvue d’espoir, comme si l’interdiction politique de réaliser lui avait permis de prendre conscience des limites autant que des pouvoirs de la mise en scène.
Gardons-nous toutefois de voir dans ce "film" un acte de soumission. Au contraire, sa force politique est indéniable. Parvenu en France sur une clé USB clandestine, elle-même cachée dans un gateau, Ceci n’est pas un film témoigne à merveille de toutes les ressources créatives permises par les petites caméras numériques. Il illustre aussi à plus d’un égard ce que la liberté de pensée doit à la liberté formelle en matière de création. Avec son climat d’inquiétude latent - la Fête du Feu, qui a lieu en arrière-plan, menace à tout moment de déborder - mais aussi des moments très drôles - intervention d’un bestiaire comique : l’iguane domestique Igi, le chien Mickey - Ceci... est une oeuvre ingénieuse et authentique, un témoignage indispensable pour comprendre le lien qui unit l’artiste à son oeuvre. Et peut-être, une arme contre le formatage idéologique qui menace parfois, de près ou de loin, le septième art.
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