Le 13 août 2002
Ils ont dépassé le mur du son, une banane à la main !
Le premier album du Velvet paraît en 1967, en pleine apogée pop. L’album banane, comme il est convenu de l’appeler [1] est un condensé du génie velvetien. De Sunday Morning, ballade faussement mièvre à European Death Song, mur de son aveuglant qui préfigure l’apocalypse de White light, White heat, leur second album, les New-Yorkais déploient leur art en quinze titres devenus légendaires. Deux figures mythiques marquent également cet album de leur présence : Nico et Andy Wahrol.
New-Yorkais, comme il se doit, le quatuor mélange savamment les genres. A la batterie, Moe Tucker. Elle joue debout (hum...), martelant sa grosse caisse de ses baguettes. A la guitare, Sterling Morrison, sorte de Georges Harrison velvetien. Réservé et dans l’ombre du duo tempétueux formé par Lou Reed et ses racines blues-rock et John Cale, qui a collaboré avec John Cage. Ils posent habituellement lunettes noires sur le nez. Ici pas de hippies, pas de bonheur, pas d’idéal. Seulement de la souffrance et de la peur.
L’empreinte de Lou Reed est particulièrement sensible sur un titre comme Sunday Morning, aux apparences trompeuses de bluette pop. Ouverture maligne, elle ne laisse qu’entr’apercevoir la suite des événements. Un peu plus loin, I’m waiting for the man (man pour dealer) renvoie sur la dimension addictive de l’univers du Velvet. Le piano lancinant de John Cale est là pour nous rappeler le fébrile état de manque de Lou Reed.
Heroin déboule au milieu de l’album, qui fait se prosterner des légions de fans [2]. Là encore, l’influence de la drogue est présente et le violon de John Cale entre parmi les instrumentations les plus terribles des premières/dernières décennies rock. On le retrouve aussi dans Venus in furs, troublante chanson aux pulsions sado-masochistes.
L’égérie de Wahrol - lui-même crédité "producteur", on sourit -, Nico, mêlera sa voix caverneuse aux arrangements iconoclastes de Lou Reed et de John Cale. Sur I’ll be your mirror, titre préféré du pop artiste, et bien qu’interprété par la sombre Allemande, seule lueur d’espoir et d’amour de l’album. Aussi avec Femme Fatale, à laquelle on peut imaginer qu’elle sert de modèle ("She’s gonna break your heart in two, yes it’s true"), titre pollué par des chœurs masculins en voix de canard qu’elle ne supportait d’ailleurs pas.
Un tel album était-il seulement fait pour être vendu ? On peut en douter, si l’on s’attarde sur les articles de presse ironiquement insérés à l’intérieur du disque : tous plus négatifs les uns que les autres, ils avaient raison au moins sur un point, le Velvet resterait longtemps underground... (seulement remis à flot par la résurrection de Lou Reed en 1972 grâce à... David Bowie !) mais il a su déclencher une vague de fond dont on sent encore le sombre impact. [3]
– Velvet Underground and Nico, Verve/Polydor, 1967
– A noter, la récente réédition de l’album sous la forme de deux CD identiques, l’un en stéréo, l’autre en mono !
The Velvet Underground & Nico, Deluxe Edition, 2 CD Polydor/Universal
[1] La pochette figure une banane dessinée par Andy Wahrol, dont la peau retirée laissait apparaître, sur les premiers disques, un fruit à la chair rose
[2] I don’t know just where I’m going / But I’m gonna try for the kingdom if I can / Cos it makes me feel like I’m a man / When I put a spike into my vein / And I tell ya things aren’t quite the same / When I’m rushing on my run (...) Heroin, it’s my wife and it’s my life
[3] L’influence du Velvet est marquante dès ses débuts, puisque John Cale produit en 1969 le premier album des Stooges (dont le chanteur n’est autre qu’Iggy Pop). Bowie aussi reconnaît leur influence sur sa production. Bauhaus, groupe coldwawe des années 80, marque son hommage d’une reprise de I’m waiting for the man, en duo avec Nico (Press the eject and give me the tape, 1982), Joy Division reprend Sister Ray (sur Still, 1981), les Buzzcocks, groupe punk-rock de la fin des années 70, se forment à la suite d’une annonce très simple : "Cherche guitariste pour reprendre Sister Ray" ! Enfin, on ne peut s’empêcher d’affillier le bruitisme rock de Sonic Youth à la descendance velvetienne.
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