Deux claques
Le 10 septembre 2003
Premier album d’un jeune prodige anglais de 19 ans, qui puise dans le hip-hop et la culture acid house pour inventer son propre langage.


- Artiste : Rascal, Dizzee

L'a écouté
Veut l'écouter
Dans une Angleterre une nouvelle fois amnésique (les groupes à guitare et à frange sont une énième fois de retour), la musique la plus fraîche et excitante continue de provenir de la rue, produite par de merveilleux outsiders. Après The Streets et Audio Bullys, voici Dizzee Rascal, nouveau porte-drapeau d’un hip-hop pétri dans l’acid house.
De la vague UK garage apparue il y a quelques années, ne restent plus aujourd’hui que les vraies personnalités : Mike Skinner de The Streets, MJ Cole, Ms Dynamite et Dizzee Rascal. L’écrémage a été rude et salutaire, si l’on en juge par la qualité des productions des artistes précités. Dans le cas de Dizzee Rascal, il aura même fallu quitter le cocon familial (à savoir le collectif Roll Deep) à dix-sept ans, quitte à se faire des ennemis dans le milieu (ce bon Dizzee a été poignardé cet été par un membre d’un collectif rival) et à se réinventer un univers.
Et quel univers ! De ses prestations avec Roll Deep lui sont restés le goût des rave parties et des rythmiques saccadées et minimales. Tout l’album est ainsi emballé dans une toile sonore tendue et rêche, conçue à partir de boîtes à rythmes ayant fait le bonheur de l’acid house et du happy hardcore des années 90. Et pourtant, loin de sonner daté, chaque morceau impressionne par son inventivité, sa capacité à être efficace en trois sons. En clair : une grande claque à la musique électronique d’aujourd’hui.
Et puis il y a cette voix : à peine adulte, élastique, puissante, se permettant tous les écarts, ne respectant (heureusement) ni le rythme, ni les codes établis du hip-hop. Et tiens, tant qu’à faire : une grande claque au hip-hop, illustrée par le furieux Hold Ya Mouf !
Après un seul disque, donc, Dizzee Rascal, orphelin de style après la mort du UK garage, renvoie dos à dos électro et hip-hop. Il creuse son propre sillon au cœur même de ces deux familles, sans jamais les oublier, mais sans jamais les respecter non plus. Et c’est bien là sa grande force.