Le 3 juillet 2007
Austérité, maîtrise et bavardages pesants pour cette relecture de la naissance de la CIA par Robert De Niro.
Étrangement programmé en pleines chaleurs estivales, Raisons d’État est au contraire un film glaçant, froid de bout en bout, où les sourires se comptent sur les doigts d’une main. Naissance de la CIA, arcanes du pouvoirs, trahisons, assassinat et vies de famille sacrifiées, il n’y a certes pas dans le second film de Robert De Niro de quoi rire. Le sujet est grave, et le réalisateur, dès ses premiers plans et jusqu’aux derniers instants de ce film quasi rigoureusement historique, multiplie les moments graves, les mines graves, les notes graves. Classieux, servi par un soin méticuleux des décors et des costumes, Raisons d’État échoue pourtant à captiver le spectateur.
Entremêlant les flash-back entre le présent (en l’occurrence les lendemains de l’échec du débarquement de la baie des Cochons à Cuba) et l’ascension d’Edward Wilson entre 1940 et 1960, De Niro s’égare dans les méandres de son projet, long de près de trois heures - la faute sans doute à une volonté évidente mais trop ambitieuse de mêler en permanence la vie privée et la carrière de son héros, les enjeux mondiaux et les bruits de couloirs. Les amours de Wilson sont, par exemple, sans grand intérêt (Angelina Jolie, en Mme Wilson, semble se demander ce qu’elle fait là). Chaque intrigue, pour autant qu’elle soit reliée au récit, s’évapore dans le regard vide de Matt Damon.
Grosses lunettes et gomina, l’acteur, en plein cabotinage minimaliste, ne convainc pas, sans doute victime de son personnage vide de toute expression, quasi muet, salopard sur les bords qui devrait laisser percer son humanité - ce qui nous échappe, là encore - et du coup nous émouvoir. Malgré une pléiade de seconds rôles de qualité (John Turturro, d’ailleurs le seul, un instant, à nous dérider ; Alec Baldwin, de plus en plus inspiré ; ou encore Tammy Blanchard, délicieuse), tout ce petit monde peine à donner à cette histoire fondatrice de la face obscure du rêve américain la force qu’on lui souhaiterait. Sérieux, appliqué, participant lui-même courageusement à son œuvre, vieux et fatigué en père fondateur, Robert De Niro échoue donc, non sans donner quelques signes encourageants, à signer son premier film mémorable.
La critique POUR : l’avis de Romain Le Vern
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