Le 4 avril 2005
Romain Gary et les bonheurs de l’inattendu.
"Lignes du large", une petite chronique pour parler de tous ces livres qui nous emmènent au loin. Des livres d’hier ou d’aujourd’hui qui dégagent l’horizon même en cas de gros temps. Des livres compagnons, de poche ou non, qui disent la nécessité de la littérature dans le monde où nous vivons.
Il faut lire. Des livres, bien sûr, mais pas seulement. Aussi ce qui nous conduit à eux. En conclusion de l’une de ses chroniques, Eric Fottorino [1] faisait couler de belles larmes sur les pages des Racines du ciel de Romain Gary, donnant envie de se tremper dans l’aventure de ce rescapé des camps de la mort qui protégeait les éléphants des chasseurs d’ivoire.
Je me trempai. Et tremblai bientôt devant cette histoire bourrée d’humour et d’émotion mais où, entre l’amour d’une mère et le génie d’un fils, ne barrissait personne. Il y était bien question de mémoire (d’éléphant, évidemment), mais de trompes, de défenses, d’oreilles petites ou grandes, d’éléphants gris ou roses, pas l’ombre. Et pour cause.
Au moment de passer commande, le titre du livre s’était changé en une Promesse de l’aube tombée du ciel et renvoyée illico dans mon petit panthéon personnel. Rarement récit ne me cueillit ainsi. Sans doute le fait de lire ces lignes alors que j’en espérais d’autres y était pour quelque chose. Bonheur du hasard, de l’inattendu dans une société où la culture se prémâche, s’avachit, se canalise, se met en boîte, se formate, s’ouate.
"Lire, dit justement Alberto Manguel, qui vient de consacrer un essai sur les dangers menaçant la lecture [2], c’est prendre la liberté, le pouvoir". Liberté encore plus belle quand elle se prend par surprise.
[1] Chroniqueur au Monde et auteur, entre autres, de Caresse de rouge et Korsakov dont aV-aL avait dit beaucoup de bien
[2] Pinocchio & Robinson, Pour une éthique de la lecture, Éd. de L’Escampette, 80 pages, 12 euros. La citation d’Alberto Manguel est tirée d’un entretien au magazine Télérama
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