Le rouge et le noir
Le 10 mars 2004
L’amour paternel en noir c’est noir. Formidablement dérangeant. Formidablement réussi.


- Auteur : Eric Fottorino
- Editeur : Gallimard
- Genre : Roman & fiction, Littérature blanche
- Nationalité : Française

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C’est une histoire de papa poule qui débute comme une tragédie tout ce qu’il y a de plus ordinaire, celle d’un homme qui a perdu son enfant. Colin, son petit garçon de trois ans, a été écrasé par un chauffard en plein Paris. Alors, évidemment, il ressasse, Félix Maresco, la quarantaine, bon professionnel, jolie carrière dans l’assurance, chef d’une agence florissante, quartier des Gobelins. Il se noie dans le travail. Normal. Il ne supporte pas la compassion des autres. Normal. Et puis il y a cette affaire d’incendie, de môme disparu avec sa mère, il s’y accroche comme à une bouée de sauvetage. Normal.
Pas du tout. Rien dans cette détresse n’est normal ou anodin. Les souvenirs acidulés de glaces à la fraise, de jeux d’ombres chinoises sur le mur de la chambre du petit Colin ou de bateau poussé avec un bâton dans un bassin du jardin du Luxembourg font apparaître un personnage ravagé par l’amour autant que par le manque d’amour, un père d’une ambiguïté folle. Roman du dérapage incontrôlé, des zones d’ombres horrifiantes, de la monstruosité qui affleure, Caresse de rouge est une histoire de papa poule qui donne la chair de poule. Parfaitement juste et parfaitement atroce. Chapeau bas à Eric Fottorino qui s’impose en maître ciseleur du récit psychologique écrit à l’encre noire, très noire. Plume vive, rythmée, astringente, style tout en finesse. Implacable dans sa manière de distiller petit à petit le malaise, de maintenir un suspense glauque, voilà un grand roman des failles, des obsessions et des métamorphoses. Formidablement dérangeant jusqu’à sa chute. Inattendue, effroyable. Qui laisse les yeux exorbités et le souffle court. Méfiez-vous des pères...
Eric Fottorino, Caresse de rouge, Gallimard, 2004, 137 pages, 13 €