N’oubliez jamais
Le 1er décembre 2004
Compte tenu du sujet de Korsakov, le jeu de mots est facile. Pourtant, l’expression a rarement été aussi juste : c’est un roman inoubliable.


- Auteur : Eric Fottorino
- Editeur : Gallimard
- Genre : Roman & fiction, Littérature blanche
- Nationalité : Française

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Le prix Goncourt lui est passé sous le nez. Le prix Interallié, idem. Visiblement, ces deux jurys avaient décidé de privilégier la jeunesse. Sans polémiquer - même si l’on peut s’interroger sur la pertinence de ces choix -, ce palmarès soulignait cruellement l’absence d’un des romans d’exception de la rentrée, pour ne pas dire le plus exceptionnel : Korsakov de Fottorino. Une injustice réparée par l’attribution du prix France Télévisions, dont le jury est présidé par Bernard Pivot : une double raison donc de se réjouir de l’arrivée prochaine de ce dernier parmi les jurés du Goncourt. Mais revenons plutôt à cet éblouissant roman, fascinante allégorie de l’œuvre littéraire en train de se faire.
Rapide cours de médecine avant tout : Korsakov est un syndrome neurologique, cousin d’Alzheimer et qui se caractérise par une perte progressive de la mémoire et l’invention par le sujet de nouveaux souvenirs qu’il n’a jamais vécus. Le docteur François Signorelli est atteint de cette tragique déficience, un comble pour cet éminent neurologue à la vie si remplie. Une vie en trois actes qui commence à dix ans lorsqu’il change de nom : il quitte la peau d’Ardanuit pour devenir Signorelli. Le passé de sa famille d’adoption en Tunisie se mêle avec l’enfance triste à Bordeaux et sa réputation prestigieuse de médecin respecté. Il doit s’accommoder d’un géniteur absent, d’une grand-mère moralisatrice, d’une mère instable, mais qu’importe, c’est sa vie et la simple idée qu’elle s’évanouisse, grignotée par une mémoire défaillante, lui est insupportable. A lui de trouver un moyen pour que son histoire ne tombe pas sous les assauts de Korsakov, ce voleur de souvenirs.
Impossible de ne pas tomber dans l’excès dithyrambique devant le septième roman de Fottorino tant il frise la perfection. Outre le sujet lui-même, bouleversant car si intime et universel, la maîtrise de l’écriture et de la langue est un cadeau qui se renouvelle à chaque page. Tel un enchanteur des lettres et de la poésie, Éric Fottorino compose une œuvre magique au style d’une rare densité et au thème riche en émotion. Tout ce qu’on demande à la littérature, en somme !
Eric Fottorino, Korsakov, Gallimard, 2004, 475 pages, 19,50 €