The Grocery, l’intégrale - La chronique BD

Le fruit de la première collaboration entre le scénariste Aurélien Ducoudray et le dessinateur Guillaume Singelin est un énorme pavé dans la mare. Pavé, vous le comprendrez quand vous tiendrez cette intégrale entre vos mains. La mare, c’est notre monde. En fait, cette BD traite de multiples sujets de société qui nous touchent tous, même si l’histoire se déroule aux États-Unis. The Grocery est un entrelacs de personnages attachants, même ceux qu’on ne voit que trop peu. Cette BD met en scène des humains bousculés dans leur quotidien par la voracité d’autres, souvent invisibles et parfois, pour les pires, visibles. Mais pire n’est pas le mot, on devrait dire pour les plus violents.
Car The Grocery, qui démarre comme une histoire de potes, d’initiation pour un jeune fraîchement débarqué dans un nouveau quartier, prend de plus en plus d’ampleur jusqu’à devenir l’écho de véritable problème tel la création d’un mur pour se protéger des plus pauvres ou la crise bancaire entraînant l’expulsion de milliers de personnes, sans oublier les résidus du KKK rêvant d’un monde plus aryen. La violence finit par exploser dans ce quartier apparemment calme. Et le pire est de voir les gens s’y habituer. On passe de la rixe de rue à l’état d’urgence tout au long de ses quatre cent pages et l’épicerie y tient un rôle central. Mais sans oublier que ce sont des personnages qui nous guident tout au long de ce récit. Des personnages de chair et de sang, souvent au mauvais endroit au mauvais moment, et parfois entraînés dans les choix que leur imposent les circonstances.

Le style graphique de Guillaume Singelin, représente ces gens sous formes d’animaux, de créatures animalières pourrait-on dire, mais anthropomorphisées et ce choix apporte vraiment quelque chose à la nature du récit. Au départ, ce côté étrange, - car on ne parle pas de graphique à la Disney mais bien de quelque chose d’original, plus brut, plus curieux - nous garde un peu à distance. Puis on s’attache aux personnages, mais on en est d’autant plus surpris, quand la violence explose et que la mort frappe, de voir ces charmants personnages aspirés dans une spirale infernale. Et on en oublie leur apparence car on voit bien les hommes derrière. Des hommes dont le comportement se rapproche parfois de celui d’animaux. La boucle est bouclée.

Nous pourrions nous étaler longtemps sur le sujet mais nous conclurons juste sur le beau cahier graphique de la fin, regroupant les couvertures mais aussi des pages où les auteurs s’expriment sur leur rencontre et le lancement de ce projet puis enfin plusieurs dessins réalisés par d’autres artistes présentant la bande de l’épicerie.

Bref, allez chez votre libraire et repartez avec cette intégrale, et préparez votre arnica pour amortir la douleur de la claque que vous allez prendre avec cette BD.