Le 13 octobre 2024
Une fresque entre adolescence et déclassement dans la Corée de 1929.
Résumé : Dans la capitale coréenne Gyeonsung, occupée par les Japonais, l’influence occidentale commence à se faire sentir. Un peu trop au goût du jeune Jun, qui voit Arisa, la fille du riche marchand qui l’a recueilli, s’émanciper des traditions, notamment dans sa manière de s’habiller...
Critique : Après la Hollande du milieu du XVIe siècle, Yudori a donc choisi la Corée de la première moitié du XXe siècle comme cadre de son nouveau récit, qui se veut plus long, et de la même ambition, à savoir raconter une époque, une mentalité et y insérer quelques réfractaires pour leur échapper. Son duo féminin a laissé place à un nouveau duo, où un jeune adolescent vient accompagner une héroïne en avance sur son temps, lui qui a plus de mal avec le changement. Cependant, les libertés féminines vont ici de pair avec un thème fascinant, celui du déclassement. La Corée de 1929 est assez significative car elle a alors fait tomber les privilèges d’une noblesse, certes pauvre, mais qui disposait d’un prestige et de positions enviées. Le héros Jun a vu son père issu de cette petite noblesse tomber dans l’alcoolisme avant de mourir sous les coups des Japonais, occupants peu soucieux d’épargner une vie coréenne. Avec sa mère, personnage plutôt comique dans un album assez sérieux, il se retrouve sous la coupe d’un bourgeois qui cède aux caprices - en vérité seulement les aspirations d’indépendance et les goûts - de sa fille unique. Entre les deux se noue une histoire pas si timide que cela, avec rendez-vous, moments intimes, gênes et rapprochements qui laissent deviner une fin amoureuse à ce couple, mais qui pour l’instant nous retranscrit les errances de deux cœurs adolescents assez modernes, mis dans un cadre traditionnel et historique. L’autrice semble d’ailleurs se réjouir de pouvoir montrer son travail de recherche, par quelques pages en noir et blanc qui expliquent adroitement les costumes ou les hiérarchies de l’époque.
© Delcourt / Yudori
Hormis ces quelques pages disséminées, tout le reste est en couleurs, dans des coloris saisissants de réel, sans jamais abuser des couleurs, pour en faire uniquement surgir la beauté et la spontanéité. En effet, lorsque le héros ou l’héroïne disposent d’un nouvel ensemble, on sent l’enthousiasme de la dessinatrice pour le restituer aussi vrai que nature, sous tous les angles et toutes les coutures, faisant parfois des pages des gravures de mode, soulignant le bonheur d’un personnage, lui donnant une allure folle, une confiance absolue. Travail minutieux, ce sérieux est la marque de fabrique de Yudori, qui s’attache à façonner un décor aussi réalistes que possible, pour y plonger des dialogues et des humeurs qui n’appartiennent qu’à elle. Son duo ne peut qu’attirer la sympathie, dans un monde où ils apparaîtront bientôt comme des anomalies, surtout pour Arisa Jo, dont le caractère farouche semble suggérer déjà une fin tragique, mais qui dans son attitude et son tempérament trouve une densité graphique splendide.
© Delcourt / Yudori
Série historique et sociologique d’apparence, Les enfants de l’Empire est pour ce premier tome un fondement solide d’une histoire d’amour et de déclassement pour deux adolescents forcés de vivre ensemble, dans une Corée qui évolue et qui pourrait évidemment montrer quelque chose du monde un siècle plus tard...
224 pages – 20,50 €
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Galerie photos
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