Le 19 avril 2019
Le premier film de David Lynch est une expérience cinématographique intense et dérangeante.
- Réalisateur : David Lynch
- Acteurs : Jeanne Bates, Jack Nance, Charlotte Stewart, Allen Joseph, Laurel Near
- Genre : Fantastique, Épouvante-horreur, Expérimental, Noir et blanc
- Nationalité : Américain
- Durée : 1h29mn
- Reprise: 31 mai 2017
- Box-office : 122 507 entrées (France, 1ère exploitation)
- Date de sortie : 17 décembre 1980
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Résumé : Un homme est abandonné par son amie qui lui laisse la charge d’un enfant prématuré, fruit de leur union. Il s’enfonce dans un univers fantasmatique pour fuir cette cruelle réalité.
Critique : Voici un film à ne pas mettre entre toutes les mains, car la noirceur qui l’imprègne -quelque part entre Kafka et Bunuel- le rend parfois difficile à regarder. Mais les replis de l’inconscient humain sont pleins de ces vérités que l’on n’ose pas ou que l’on ne veut pas savoir. L’abîme n’est pas loin, Lynch se place au bord, et filme le vide à ses pieds... à nos pieds. Car toute la force d’Eraserhead réside dans l’impossibilité qu’a le spectateur de se mettre à distance par rapport à ce qu’il voit. Le réalisateur nous oblige à subir cette réalité invivable, et les scènes oniriques, qui interrompent fréquemment l’histoire, ne fonctionnent pas comme échappatoires, car elles virent toutes au cauchemar, attestant, si besoin était de le préciser, d’un regard profondément pessimiste. En fait, ce long métrage est une voiture qu’on aurait démontée, une horloge dont on aurait dévoilé le mécanisme sur un vieux chiffon sale. Pour son premier film, le grand David Lynch met en scène des monstres qu’on croirait échappés du mythique Freaks de Tod Browning. Et l’histoire ? C’est celle d’un étrange personnage au regard triste et aux cheveux ébouriffés : Henry Spencer, sorte de citoyen lambda, de Joseph K. taciturne, perdu dans une Metropolis oppressante, dont les bruits inquiétants vont jusqu’à s’immiscer dans l’espace d’une chambre sordide (superbe travail sur la bande-son). Ce "nowhere man" a conçu un enfant avec sa femme Mary. Le bébé est monstrueux et ses pleurs incessants poussent à bout la jeune femme qui le laisse à la charge de son époux. Comment échapper à ce quotidien épouvantable ? Par le songe. Mais les visions que Lynch nous impose sont cauchemardesques. L’imaginaire est une gigantesque anamorphose où les personnages sont broyés, mutilés. Dans une scène d’épouvante, la tête de Spencer se détache du corps, roule à terre, et finit par se vider de son sang. Puis elle est placidement recueillie par un gamin des rues, qui l’amène à un savant fou.
La seule "lueur" viendrait de cette femme blonde, dont les apparitions récurrentes esquissent un ailleurs, à défaut d’un meilleur. Mais il n’en reste pas moins que la difformité de cette figure est là pour nous rappeler la fatalité d’une horreur à laquelle les protagonistes doivent se soumettre... jusqu’à la provoquer. Et au bout, la nausée, puisque Spencer tue son enfant-monstre.
Dans ce premier film dérangeant, Lynch montre qu’il est déjà un grand cinéaste de l’inconscient.
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