Le jour des idiots - La critique

Ronde vertigineuse du théâtre et de la folie, Tag der Idioten allie au désespoir une fascinante allégresse formelle et un humour ravageur.

L’argument : Dans un besoin incessant de se prouver qu’elle est en vie, Carol adopte un comportement des plus étranges et se retrouve dans un hôpital psychiatrique entièrement féminin.

Notre avis : Après le virulent Palermo oder Wolfsburg, Ours d’Or à Berlin en 1980 mais très violemment attaqué par la presse de droite lors de sa sortie en Allemagne, et le documentaire sur le festival de théâtre de Nancy La répétition générale, Werner Schroeter tourna en studio à Prague, mais pour une société munichoise associée à la télévision bavaroise, cette production au budget conséquent basée sur une nouvelle de Dana Horáková qu’il adapta en collaboration avec l’auteur.
C’est peut-être le film où le cinéaste, adepte jusque là du plan fixe, cède pour la première fois à la tentation du baroque tel qu’on l’entend communément, c’est dire à une certaine propension aux arabesques formelles et à une virtuosité qui lui vaudra d’ailleurs le Bundesfilmpreis 1982 de la meilleure mise en scène.
Cette allégresse chorégraphique ne fait que souligner la tristesse irrémédiable d’une oeuvre où théâtralité et folie se confondent et où les scènes réelles et imaginaires arborent les mêmes couleurs froides et délavées.

Le jour des idiots - Schroeter 1981

Le monde extérieur, tel qu’il est décrit dans les premières séquences, est celui des années de plomb et de la suspicion généralisée, mais à la différence de Vertiges de Bolognini, auquel on pense parfois, Tag der Idioten ne montre jamais l’hôpital psychiatrique comme un refuge. La violence très ritualisée qui y règne s’y accorde avec une espèce de douceur absolument pas rassurante incarnée par la médecin-chef adepte de l’anti-psychiatrie jouée par Ingrid Caven. (Sur son bureau, une jambe amputée baigne dans le formol).
L’insaisissable Carole Bouquet, était l’interprète rêvée du rôle de Carole, dont on n’arrive à savoir à aucun moment si sa folie est jouée ou non. En outre, elle parle d’une voix allemande très éloignée de la sienne. Ce doublage très voyant ne gêne absolument pas dans le système Schroeter où corps et voix tentent de se rejoindre sans jamais vraiment y parvenir.
Cru mais traversé de musique et d’un humour ravageur, Tag der Idioten est peut-être le film le plus désespéré de Schroeter, mais son tournoiement à vide a quelque chose de vertigineux.

Tag der Idioten - Schroeter 1981 - DVD Filmmuseum