Carnaval napolitain
Le 3 juin 2011
Un superbe mélodrame politique et carnavalesque qui retrace trente ans d’histoire napolitaine à travers le destin d’un frère et d’une soeur. Une des oeuvres majeures de Werner Schroeter, qui vient de mourir à 65 ans.
- Réalisateur : Werner Schroeter
- Acteurs : Ida di Benedetto, Margareth Clémenti, Antonio Orlando, Maria Antoniella Riegel, Liana Trouche
- Genre : Mélodrame, Politique
- Nationalité : Allemand, Italien
- Durée : 2h16mn ou 2h28mn (Japon)
- Titre original : Nel regno di Napoli - Neapolitanische Geschwister
- Date de sortie : 16 janvier 1980
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– Année de production : 1978 (tournage du 28 décembre 1977 au 7 mars 1978)
Un superbe mélodrame politique et carnavalesque qui retrace trente ans d’histoire napolitaine à travers le destin d’un frère et d’une soeur.Une des oeuvres majeures de Werner Schroeter, qui vient de mourir à 65 ans.
L’argument : Vittoria et Massimo Pagano naissent à la fin de la Deuxième Guerre Mondiale dans un quartier populaire de Naples. Leur mère Maria , fervente catholique, envoie sa fille à l’école des bonnes soeurs malgré l’opposition du père communiste. Elle meurt quelques années plus tard. La voisine Valeria prostitue sa fille Rosa à un soldat américain en échange de farine...
Notre avis : Jusqu’à ce film de 1978, Werner Schroeter avait un statut de cinéaste underground et esthétisant grâce à des films tels que Eika Katappa, La mort de Maria Malibran ou Flocons d’or. Le règne de Naples lui apportera une reconnaissance internationale et un succès considérable, sanctionné par divers prix de festivals. Pour la première fois, il abordait un sujet ouvertement politique : l’histoire de Vittoria et de Massimo Pagano, frère et soeur, et du microcosme napolitain qui les entoure est aussi celle de l’Italie de 1943 à 1972, marquée par l’opposition entre communistes et démocrates chrétiens sur fond de guerre froide.
Cette histoire, vue du point de vue des pauvres et des victimes jamais résignées, est racontée de façon ouvertement didactique : les seize chapitres du film sont introduits par des affiches électorales sur lesquelles s’incruste le millésime, accompagnées d’extraits d’archives radiophoniques ou d’un sobre commentaire en voix off rappelant le contexte de l’époque. La reconstitution historique se fait sur le mode du théatre brechtien : les personnages restent identiques à eux-mêmes sur une période de trente ans ou sont incarnés successivement par des acteurs qui ne se ressemblent pas. L’envoi de la Pietà de Michelange aux Etats Unis en 1964 pour une exposition est illustré par une réplique en plâtre transportée sans emballage dans les rues de la ville sur un camion puis hissée sans façons sur un paquebot.
Le théâtre, brechtien ou pas, est omniprésent : farce, opéra avec la voix de Maria Callas retransmise par la radio, drame vériste. L’improbable personnage de la prostituée A Francè - la Française jouée par Margareth Clémenti officie derrière un immense rideau rouge dans l’anfractuosité d’une muraille et mourra au milieu des masques de carnaval à l’extrême fin du film. Les scènes d’agonie, violentes, crues, dignes du grand-guignol ponctuent d’ailleurs le film, lui donnant une allure de danse macabre.
Schroeter ne cède pas au folklore mais son goût pour le carnavalesque trouve en Naples un terrain idéal. La misère tenace cohabite avec le goût de l’apparat : un magnifique corbillard parcourt les rues tiré par des chevaux noirs comme dans L’or de Naples de Vittorio De Sica. Le trivial et le sublime se mélangent ou plutôt se confrontent sans cesse : chansonnette et opéra, dévotion populaire, farce, mélodrame, giallo, Brecht et Commedia dell’Arte , film d’horreur même avec le terrifiant personnage de la Ferrante, directrice d’usine et mère maquerelle, joué par Ida di Benedetto... Tous les genres se succèdent sans soucis de cohérence mais aboutissent néanmoins à un ensemble d’une prodigieuse vitalité sans que jamais l’émotion ne trouble l’intelligence.
Le règne de Naples est une oeuvre inconfortable et passionnante qui échappe à l’analyse réductrice. Ce carnaval napolitain est un digne héritier des drames baroques du XVIIème siècle et l’une des expériences cinématographiques les plus stimulantes qui soit.
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