Dessine-moi une étoile
Le 12 mai 2011
Un des étonnants documentaires de Schroeter qui fait encore une fois oeuvre de visionnaire en faisant surgir la réalité d’un pays du tiers monde par le biais d’un collage poétique explosif.
- Réalisateur : Werner Schroeter
- Genre : Documentaire, Politique
- Nationalité : Allemand
- Plus d'informations : http://www.centrepompidou.fr
- Festival : Rétrospective Schroeter à Beaubourg
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– Titre original : Der lachende Stern
– Durée : 1h49mn
Un des étonnants documentaires de Schroeter qui fait encore une fois oeuvre de visionnaire en faisant surgir la réalité d’un pays du tiers monde par le biais d’un collage poétique explosif.
L’argument : Invité au festival de Manille, Werner Schroeter y tourne un carnet de voyage sur la culture et l’histoire des Philippines.
Notre avis : La filmographie de Werner Schroeter comporte plusieurs films relevant peu ou prou du genre documentaire. Totalement personnels et faisant fi des règles télévisuelles du genre, ils interrogent, de manière plus directe que les fictions, la notion d’utopie qui est au centre de l’oeuvre du cinéaste.
Faire sortir la réalité de ses gonds, tel était le but déclaré de sa démarche basée sur le collage, les rencontres improbables, la juxtaposition d’éléments disparates. Le discours, se méfiant de la logique souvent fallacieuse de l’exposé rationnel, se fie plutôt au principe d’association et passe volontiers du coq à l’âne. Mais ce sont surtout les musiques à la présence insistante et jamais illustrative qui donnent à ces films une charge explosive et déstabilisante.
La répétition générale (1980) interrogeait l’état du monde en filmant les troupes invitées au Festival de Nancy, faisant la part belle à la chorégraphe Pina Bausch et surtout à l’extraordinaire Kazuo Ono, le maître du butô. A la recherche du soleil (1986) entrait au coeur du travail d’Ariane Mnouchkine et de sa compagnie montant à la Cartoucherie de Vincennes L’Histoire terrible mais inachevée de Norodom Sihanouk, roi du Cambodge.
Ces films, tout comme Poussières d’amour (1996), consacré au chant lyrique, et Die Königin (1999), portrait de l’actrice Marianne Hoppe à travers ses rôles, avaient pour cadre le monde du théâtre ou de l’opéra.
Mais s’ils s’éloignent de l’univers des planches pour s’intéresser plus directement à la réalité sociale et politique d’un pays, De l’Argentine (1986) et Der lachende Stern ne sont pas moins axés sur la notion de représentation.
Dans le film tourné aux Philippines en 1983, deux ans après la levée de la la loi martiale, le couple présidentiel fait son show, surtout madame. Qu’elle inaugure le Festival de Cinéma de Manille ou réponde avec coquetterie aux questions des journalistes, qu’elle écoute un choeur d’adolescents chanter un hymne à sa gloire ou se lance elle-même dans des vocalises hardies face au micro, Imelda Marcos est toujours attentive à soigner son effet.
Schroeter a inséré les numéros de la first lady dans un véritable caléidoscope composé d’éléments les plus divers mais toujours fortement ritualisés : actualités américaines anciennes et récentes aux commentaires pompeux célébrant l’allié asiatique des Etats Unis, extraits de films de guerre (American guerillas in the Philippines de Fritz lang), processions religieuses avec flagellants et crucifiés, interviews ou scènes quotidiennes ostensiblement mises en scènes, parodie d’Apocalypse Now mimée par les figurants ayant participé aux film de Coppola (tourné, rappelons-le, aux Philippines), citations (en espagnol) de vers du grand poète national José Rizal sur fond d’écran rouge.
Aucun commentaire explicatif n’est nécessaire pour que, de ces simples, mais ô combien subtiles juxtapositions, jaillisse la réalité complexe et tragique d’un pays du tiers monde et de son peuple ballotté au gré des intérêts des puissants. L’émotion et la révolte qui naissent à la vision de L’étoile qui rit n’empruntent pas les voies du discours politique mais n’en sont que plus forts.
L’image récurrente de l’étoile qu’un enfant essaie de dessiner avec des allumettes sur une plaque de verre est l’émouvante métaphore de ce film- puzzle qui saisit au vol une vérité fragile qu’il faut sans cesse recomposer.
Schroeter pulvérise une fois de plus les frontières entre les genres : son essai poétique bouscule notre confort de spectateur et accomplit pleinement la mission révélatrice de l’art.
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