Effet de serre
Le 1er juillet 2010
D’une beauté visuelle et d’un impact émotionnel rares, ce drame en vase clos dans un hôpital psychiatrique à l’époque du fascisme est une des grandes réussites de Bolognini, cinéaste à réévaluer d’urgence.
- Réalisateur : Mauro Bolognini
- Acteurs : Marcello Mastroianni, Françoise Fabian, Marthe Keller, Lucia Bosè, Barbara Bouchet, Adriana Asti, Maria Michi, Pierre Blaise
- Genre : Drame
- Nationalité : Italien
- Editeur vidéo : Carlotta Films
- Durée : 1h37mn
- Titre original : Per le antiche scale
- Date de sortie : 9 mars 1977
- Plus d'informations : http://www.carlottavod.com/film-563...
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– Sortie en Italie : 28 novembre 1975
– Sortie du DVD : 7 juillet 2010
D’une beauté visuelle et d’un impact émotionnel rares, ce drame en vase clos dans un hôpital psychiatrique à l’époque du fascisme est une des grandes réussites de Bolognini, cinéaste à réévaluer d’urgence.
L’argument : En pleine montée du fascisme, le professeur Bonaccorsi officie dans un hôpital psychiatrique de Toscane coupé du monde et peuplé de déments. Persuadé que la folie est une maladie qui se propage comme un virus, il conduit des recherches pour tenter de déterminer son « germe ». Une jeune doctoresse nourrie de lectures psychanalytiques est mutée sur place et ne tarde pas à s’opposer à ses théories. Elle découvre en sus que le professeur entretient des relations libertines avec toutes les femmes « saines » de l’hôpital...
Notre avis : Le toscan Mario Tobino (1910-1991) a mené de front les carrières de médecin psychiatre et d’écrivain. Envoyé sur le front Libyen pendant la Deuxième Guerre Mondiale (expérience relatée dans son ouvrage le plus célèbre Il deserto della Libia, adapté par Dino Risi en 1986 et par Monicelli en 2006) et résistant antifasciste, il a bien connu la période Mussolinienne. En situant son roman Per le antiche scale, publié en 1972 (et lauréat du prix Campiello), dans un hôpital psychiatrique à l’époque du fascisme, il travaillait à partir d’expériences de première main.
Le film que Mauro Bolognini, lui même toscan (de Pistoia), a tiré de ce roman en 1975 s’inscrit dans une liste impressionnante d’adaptations d’écrivains italiens du vingtième siècle dont il s’était fait une spécialité : Brancati, Svevo, Moravia, Patti, Parise, Pratolini, pour ne citer que les plus illustres. Il a trouvé dans le roman de Tobino un matériau qui lui convenait tout particulièrement.
Le film démarre sans prévenir, avant le générique, sur un jeune homme déguisé levant les bras au ciel et criant « è carnevale ». Suit une séquence de bal masqué à l’hôpital pour laquelle Piero Tosi a conçu des costumes d’une beauté stupéfiante, à la fois simples, faits avec rien comme ceux qu’auraient pu faire les pensionnaires eux-mêmes, et merveilleusement sophistiqués. Ils contribuent à installer d’emblée une ambiance de folie douce et de monde à part où personnel soignant et malades se mêlent sans qu’on parvienne à les distinguer nettement. Le nez rouge et la toque de chef cuisinier du médecin chef joué par Mastroianni lui donnent un air particulièrement allumé malgré son ton posé, impression qui ne sera pas vraiment contredite par la suite.
Cette prodigieuse séquence d’ouverture se termine par une pantomime de Pierrots dont la beauté triste va imprégner tout le film.
Le tournage a été effectué à Lucca dans un véritable hôpital psychiatrique (mais avec des acteurs dans les rôles des malades). Ce lieu apparaît à l’écran très vaste et labyrinthique : immenses couloirs voutés, chapelle transformée en salle commune, bâtiments à moitié vétustes autour de pauvres jardins dénudés par l’hiver. Le chef opérateur Ennio Guarnieri (prodigieux tons mordorés de l’hiver finissant) et Piero Tosi, qui signe également les décors (intérieur étouffant de l’appartement du directeur avec sa profusion de meubles liberty et ses velours rouges), sont parvenus à créer une atmosphère de serre à la fois maladive et rassurante.
Dans cet univers protégé, en vase clos, les névroses prolifèrent et un érotisme sans frein règne en maître. Mais les rares échappées dans le monde civil nous montreront que celui-ci n’est pas plus sain que celui de l’hôpital. Lorsque le médecin se rendra à la gare pour quitter cette ville qui lui apparaît désormais comme un piège, il sera confronté, dans le compartiment du train, au discours délirant d’un caporal fasciste faisant l’apologie de l’obéissance aveugle au chef. Dans cette scène finale la folie apparaît (trop) clairement comme un auto-enfermement dans un système rassurant pour fuir la complexité du monde et le poids de la responsabilité.
Cette fin un brin démonstrative n’atténue pas la force de ce film captivant qui, outre un impact visuel rare, parvient à faire exister de manière saisissante la moindre silhouette comme cette vieille femme agenouillée contre une paroi en proie à un délire mystique. Les rôles principaux sont tous magnifiquement interprétés, Bolognini confirmant ses qualités reconnues de directeur d’acteurs. Face à un Mastroianni comme toujours souverain, Lucia Bosé, Adriana Asti, Françoise Fabian, Marthe Keller et Barbara Bouchet composent d’admirables portraits féminins.
Le film sortira en DVD le 7 juillet chez Carlotta avec trois autres titres de Mauro Bolognini :
– Les garçons
– Liberté mon amour
– Bubu de Montparnasse
- © CARLOTTA FILMS. Tous droits réservés.
Le DVD
Une très belle édition DVD assortie de compléments de qualité. Merci Carlotta.
Les suppléments
Une introduction de dix minutes par Jean A. Gili qui remplit parfaitement son rôle : claire et concise, elle nous fournit les informations utiles pour pleinement apprécier le film.
Encore mieux : la deuxième partie d’un remarquable documentaire consacré au cinéaste. Claudia Cardinale, Marthe Keller et d’autres collaborateurs témoignent de leur expérience sur les tournages de ses films et Bolognini lui-même commente son travail face à Gili, auditeur attentif et amical qui sait poser les bonnes questions. Passionnant et très émouvant.
Image
L’admirable report rend pleinement justice au travail prodigieux de Guarnieri qui parvient à concilier couleurs capiteuses et lumière tramée.
Son
Une piste mono très correcte qui restitue fidèlement le beau travail d’ambiance sonore et la musique prenante d’Ennio Morricone.
Galerie Photos
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