Le 3 novembre 2019
Black journal est un petit chef-d’œuvre, acerbe et impertinent, où l’on éprouve un plaisir presque pervers à suivre les pérégrinations monstrueuses de cette tueuse insatiable, qui transforme ses victimes en savonnettes. Absolument drôle et savoureux.
- Réalisateur : Mauro Bolognini
- Acteurs : Max von Sydow, Laura Antonelli, Shelley Winters, Milena Vukotic, Renato Pozzetto
- Genre : Thriller
- Nationalité : Italien
- Distributeur : Les Films du Camélia
- Durée : 1h55mn
- Titre original : Gran Bollito
- Date de sortie : 6 novembre 2019
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Jamais sorti en France, le film réalisé en 1977 sera projeté à partir du 6 novembre.
Résumé : Pendant la Seconde Guerre mondiale, une femme assassine sauvagement ses amies et les transforme en savon, avant de reprendre le cours de sa vie.
- Copyright Les Films du Camélia
Notre avis : Il n’y a pas d’explication sociale ou psychanalytique aux crimes odieux dont le film s’est inspiré, prévient le réalisateur en exergue de son film Black Journal. Et pourtant, tout est là, dès la première séquence, dans le visage de cette femme, Lea, boursoufflé, dur, aigri, filmé en gros plan. Elle prend le train pour venir habiter un immeuble bourgeois, peuplé par une faune tout aussi atypique que fascinante. L’appartement est sale, se plaint d’emblée Lea, mais surtout, dit-elle, il porte malheur, car il est pointé vers le nord, au point d’ailleurs que, dès ses premiers pas dans le salon, son mari est terrassé par une crise cardiaque qui le laissera handicapé et dépendant. Lea est une sorte d’ogresse insaisissable. Elle embrasse son fils comme elle le ferait d’un amant et occupe tout l’espace de sa corpulence imposante et surtout de son autorité Matriarcale. Mue par on ne sait quelle obsession, elle assassine ses amies pour les découper dans des bouillons de soude caustique, afin d’en extraire du savon ou des biscuits dont se délectent ses proches.
- Copyright Les Films du Camélia
Inspiré de faits réels, le film reconstitue une Italie de la Seconde Guerre mondiale totalement impertinente et hors des sentiers battus. Mauro Bolognini s’autorise toutes les extravagances, assumant, entre autres, que le rôle des amies et victimes de Lea soit endossé par des hommes. Le cinéaste apporte un soin inégalé aux accessoires, à la reconstitution de l’ambiance des cabarets d’époque ou aux costumes. Notre psychopathe évolue dans un univers tout autant caustique que raffiné, faisant d’elle une sorcière implacable et sans limite. A force de manipulation et de cruauté, elle retient entre ses mains tout son petit monde, jusqu’à son fils qui ne parvient jamais vraiment à s’émanciper des crocs de sa mère et qu’elle cherche à protéger du risque de partir en guerre, en sacrifiant des femmes qu’elle transforme en biscuits et en savon. Shelley Winters interprète son personnage sans jamais tomber dans l’excès. Pourtant, elle fait de cette terrible femme une sorte de machinerie diabolique, tout autant comique qu’effroyable. C’est une femme malade de l’amour de son fils, cynique et illuminée dont paradoxalement, on se réjouit du spectacle de sa démence. Les raisons de ses crimes se trouvent souvent dans sa propre frustration sexuelle et morale, Lea ne pouvant supporter le récit des ébats sexuels de ses amies ou les conquêtes féminines de son fils. La théâtralité du jeu de la comédienne se noue à un travail sur les lumières et les décors absolument époustouflant.
- Copyright Les Films du Camélia
Les têtes sont coupées au sens propre comme au sens figuré, dans ce récit terrible. Mauro Bolognini règle ses comptes à toute une société bourgeoise et réactionnaire. Le clergé en prend aussi pour son grade, à travers les figures de vicaires sensuelles et provocantes. L’apparente frivolité de la mise en scène recèle en réalité une véritable efficacité narrative. On tremble autant qu’on rit et le propos léger sauve une histoire qui aurait pu sombrer dans le cauchemar horrifique sans intérêt. L’inventivité de la conduite d’acteurs, les dialogues savoureux sont autant de moyens pour le cinéaste de contourner la censure dans une Italie conservatrice et religieuse. Il faut avoir en tête que ce film date de 1977 et que l’inventivité de ton du réalisateur repousse les limites de la création cinématographique. Sortir en 2019 sur les écrans français, ce film inédit de Mauro Bolognini ravive une œuvre dont personne ne pourra nier la formidable modernité, à une époque où peut-être on ne s’autoriserait plus autant de liberté.
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