La coquette et ses prétendants
Le 23 décembre 2024
Ballet amoureux (à cinq !) dans le port de Civitavecchia, cette comédie euphorisante est la première des cinq collaborations entre Bolognini et Pasolini.
- Réalisateur : Mauro Bolognini
- Acteurs : Francisco Rabal, Renato Salvatori, Ettore Manni, Marisa Allasio, Ennio Girolami, Ángel Aranda, Polidor
- Genre : Comédie
- Nationalité : Espagnol, Italien
- Durée : 1h20mn
- Date de sortie : 27 avril 1960
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– Année de production : 1965
Résumé : L’orpheline Marisa, dix-sept ans, vend des glaces sur le quai de la gare de Civitavecchia et s’amuse à faire tourner la tête à tous les hommes. Arrivera-t-elle à se décider entre ses quatre prétendants ? Luccicotto, footballeur amateur qui s’apprête à partir au service militaire ; Luigi, l’ami d’enfance et chef de gare adjoint à la tenue et à l’allure toujours impeccables ; Antonio, le nouveau chef de gare, d’abord méfiant puis conquis ; ou Angelo, le marin qui fait la navette entre civittavecchia et Palerme.
Critique : La comédie italienne des années 50 est moins cynique et grinçante que celle de la décennie suivante, mais Luciano Emmer (Le ragazze di Piazza di Spagna), Gianni Franciolini (Le signorine dello 04, Racconti romani), Dino Risi (Poveri ma belli), Comencini (La bella di Roma, ou encore Antonio Pietrangeli (Lo scapolo) dressent un portrait vif et attachant d’une société italienne d’après-guerre en pleine mutation, mais pas encore saisie par la fièvre du boom.
Mauro Bolognini avait remporté un vif succès en 1955 avec Gli innamorati, attachante comédie chorale située dans le quartier romain de Trastevere. Il récidive dans une veine proche avec cette Marisa la civetta - Marisa la coquette réalisée deux ans plus tard. Comme le titre l’indique, c’est d’abord un véhicule pour Marisa Allasio, jeune actrice très populaire. Ses formes généreuses et la grâce de ses mouvements sont magnifiées tout au long du film, notamment par une série de superbes travellings qui l’accompagnent lors de ses déplacements sur le quai de la gare de Civitavecchia où elle vend des glaces aux voyageurs pendant l’arrêt des trains. Son personnage de coquette qui, sûre de son ascendant sur la gent masculine, fait innocemment tourner la tête à tous les hommes est certes totalement artificiel, mais le charme de l’actrice et la vivacité de dialogues finement écrits parviennent à l’imposer à l’écran, balayant les réserves.
Les quatre personnages masculins qui tournent autour d’elle ont droit, eux aussi, à toute l’attention du cinéaste qui souligne leur jeunesse et leur rayonnement physique. Les deux Espagnols (coproduction oblige), Angél Aranda (Luccicotto) et Francisco Rabal (Antonio), n’étant pas en reste face à un Renato Salvatori chien fou (Angelo) et à un Ettore Manni (Luigi) trop propre sur lui pour être tout à fait honnête.
Ce ballet amoureux à cinq, vigoureusement chorégraphié, s’inscrit dans un tableau plus vaste et haut en couleur : les marins qui débarquent des grands ferries amarrés le long des quais du port, l’agitation d’un terrain de foot pendant la partie du dimanche après-midi, une scène de jalousie dans une fête foraine, un bal de fiançailles fourmillant de micro-scènes irrésistibles : deux matrones enlacées pour un tour de valse échangent paisiblement leurs recettes culinaires jusqu’à ce qu’au détour de la conversation pointe la différence de vue qui refroidit immédiatement l’atmosphère. Sans oublier une hilarante escapade à Rome où Marisa traîne une escorte de plus en plus conséquente de militaires en permission lors de sa tournée des dancings (balere) à la recherche de Luccicotto.
Si le ton général est à l’euphorie, y compris pour un spectateur aux anges, la gravité pointe : après tout, trois des prétendants de Marisa resteront sur la touche ! Comme toute vraie comédie Marisa la civetta flirte habilement avec le drame sans jamais y céder.
Verve comique des dialogues, variété des situations et attention aux détails, splendeur de la photo noir et blanc et virtuosité des mouvements de caméra, empathie avec des acteurs en état de grâce, seconds rôles savoureux (mention spéciale pour le gamin pas né de la dernière pluie qui ne cesse de commenter l’action et pour l’homme à tout faire (facchino) de la gare, auquel le grand Polidor prête son ahurissant masque de clown) : cette première collaboration entre Bolognini metteur en scène et Pasolini scénariste est une brillante réussite malgré la modestie des ambitions affichées. Suivront quatre œuvres plus sérieuses mais où l’on retrouvera les mêmes qualités (Giovani mariti - Les jeunes maris, La notte brava - Les garçons, Il bell’Antonio), l’euphorie sensuelle de Marisa n’étant cependant égalée que par celle de La giornata balorda - Ca c’est passé à Rome en 1960.
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