Le 8 décembre 2005
En dix ans et douze films, Kim Ki-duk est parvenu à s’imposer comme une figure majeure du renouveau du cinéma coréen. Si tout ses films ne sont pas sortis en France, il a su rapidement se faire connaître grâce à son univers nihiliste où violence et folie côtoient une recherche de l’innocence perdue. Conte simpliste, L’arc marque clairement un pas en arrière pour le Coréen. N’ayant plus rien à prouver, ni à la critique, ni aux spectateurs, qui ont encensé Locataires, il s’embourbe dans une poussive tentative de world cinéma, vaguement traditionnalisante. Comprendre : un film plastiquement beau, mais totalement vain et inoffensif. Une œuvre de festival qui, sans la renommée de son auteur, n’aurait sans doute pas franchi ce cap.
Le film décevra irrémédiablement tout ceux qui ont, par le passé, apprécié chez le cinéaste un point de vue original et percutant, une violente mise à nu de la nature humaine. Ici, tout semble fait pour attirer le plus large public possible. A trop vouloir plaire, Kim Ki-duk dilue son cinéma, le prive de ses fulgurances. La mise en scène, terriblement terre à terre, peine à retrouver la grâce fragile de ses précédentes œuvres (souvent sur la brèche, quelque part entre le sublime et le ridicule). Soulignons tout de même l’étonnante épure narrative. En adoptant la forme du huis clos, le cinéaste renoue avec la limpidité de L’île, son chef-d’œuvre de cruauté...
Proche des visages, la caméra ne parvient toutefois jamais à capter les cicatrices intérieures des personnages, peu aidée par des acteurs lourdement expressifs. Dès lors, le mutisme du film paraît vite pesant : un comble pour celui qui a tant su nous émouvoir avec Locataires, beau film silencieux. Le point de non-retour est atteint lors de scènes musicales (un arc, transformé en violon de fortune, se charge de nous asséner des flots sirupeux), filmées avec la sobriété d’un clip d’André Rieu. Elles constituent sans doute les plus consternantes tentatives d’un film tout entier placé sous les signes de l’onirisme forcé et du symbolisme convenu.
Avant le générique de fin, un carton annonce fièrement : "Le 12e film de Kim Ki-duk". Ça y est : le cinéaste est définitivement institutionnalisé. Devenu une signature, un porte-drapeau pour sa cinématographie nationale, espérons qu’il saura reconquérir sa liberté artistique et se réinventer. Réponse dans quelques mois : gageons que son prochain film y sera prêt, histoire de coïncider avec les festivals internationaux.
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