Le 26 mai 2023
- Réalisateur : Simon Panay
Simon Panay est le jeune réalisateur du documentaire Si tu es un homme sorti le 1er mars 2023. Son film suit le parcours d’Opio, un adolescent travaillant dans une mine d’or du Burkina Faso pour financer sa scolarité. En marge de la promotion de son film, il a accepté de répondre à nos questions.
AVoir-ALire : Si tu es un homme est votre premier long métrage. Quel a été votre parcours jusqu’à ce film ?
Simon Panay : Je suis originaire de Mâcon où je vis toujours. J’ai un parcours plutôt atypique : je n’ai pas fait d’école de cinéma, mais j’ai commencé à faire de petits films indépendants dès dix-huit ans, juste après avoir obtenu mon baccalauréat.
AVoir-ALire : Comment avez-vous été amené à travailler au Burkina Faso ?
Simon Panay : Si j’ai vraiment démarré ma carrière par des courts métrages documentaires en Afrique de l’ouest, c’est grâce à ma rencontre avec le cinéaste burkinabé Souleymane Drabo. Je l’ai croisé dans un festival en France et nous avons sympathisé. C’est lui qui m’a proposé une collaboration pour coréaliser le documentaire Tontine, une affaire de femmes (2012). C’est ainsi que j’ai découvert à la fois le Burkina Faso et le documentaire pour lesquels je me suis immédiatement passionné, alors qu’au départ, je me destinais plutôt à la fiction. Et de fait, j’ai continué à travailler là-bas. J’ai tourné quatre courts métrages au Burkina Faso et un au Bénin, tous des documentaires. Et c’est ce dernier, Ici, personne ne meurt (2016) qui m’a fait découvrir le monde des mines d’or clandestines artisanales. Je me suis passionné pour cet univers à part qui a ses propos règles, ses propres codes : un monde frappant qui m’a donné envie de continuer à travailler sur le sujet du travail des enfants de façon plus poussée. Les conditions étant très risquées au Bénin où j’ai même été arrêté, je suis donc retourné au Burkina Faso et ai visité une trentaine de mines afin d’y trouver un "personnage". J’ai fait la connaissance d’Opio (le personnage central du film) et arrêté mon choix sur une mine qui, avec l’accord des autorités, garantissait un maximum de sécurité. Opio est vraiment le garçon le plus intéressant que j’ai rencontré dans ces recherches : très charismatique et attachant. Après, sans chercher une histoire, je voulais axer mon travail sur la vie d’un adolescent travaillant dans les mines sans chercher une situation particulière et en restant le plus ouvert possible. Je voulais vraiment faire un documentaire de long terme où l’on ne fait pas que survoler un sujet en ne collectant que des scènes un peu superficielles. Le temps en documentaire est absolument crucial pour gagner la confiance des personnes permettant d’aller au-delà des apparences.
AVoir-ALire : Quels financements vous ont ils été accordés ?
Simon Panay : À la base, ce type de film est déjà difficile à financer. Cela demande beaucoup de ténacité et de prise de risques. Surtout que d’emblée, nous souhaitions, avec les producteurs, que ce film soit uniquement destiné aux salles. Évidemment, cela nous privait de certains financements de télévision pour des cases de diffusion spécifiques, mais avec en contrepartie un style et une durée imposée notamment. Ce financement est finalement arrivé en cours de route, aussi bien privé que public, dès lors que l’on a pu montrer les premières images, qui prouvait que le film étant un "vrai" film de cinéma sans le misérabilisme parfois redouté : un film de cinéma libre avec une vraie marge de création. Ainsi, Canal+, la Fondation Lagardère et la Commission d’avance sur recettes du CNC ont décidé de participer. Le film reste de toute façon globalement d’un budget tout à fait modeste.
AVoir-ALire : Avez-vous toujours vu votre film comme un documentaire ?
Simon Panay : Oui, un documentaire pour le cinéma. Cela implique une grosse incertitude sur la progression du film et de l’histoire : on ne connaît que la situation de départ et il est difficile voire impossible de répondre aux potentiels financeurs sur l’évolution de l’intrigue, la durée de tournage... Mais à aucun moment, l’idée de fiction n’a été évoquée.
En quelque sorte, il faut attendre que les événements se produisent en non pas les provoquer. Ce qui a fait que certains jours, rien n’a été tourné et d’autres, rien n’était d’utilisable.
- Copyright Loull Production/Moteur s’il vous plaît/Acacia Productions Burkina/Arnaud de Buchy et Canal + International
AVoir-ALire : Pouvez-vous nous parler de vos moyens et conditions de travail ?
Simon Panay : Nous n’étions que deux sur le plateau, moi à la caméra et une autre personne au son. Il nous a fallu nous équiper de matériel le plus léger possible. Par exemple, on a très vite abandonné le pied de caméra pour mieux suivre Opio, toujours en mouvement. C’était aussi physiquement épuisant : la grande chaleur, la poussière en particulier. Dans la galerie de la mine, il fallait faire attention aux glissades ou aux éboulements. Les orpailleurs eux-mêmes remerciaient Dieu à chaque sortie de la mine. On travaillait donc souvent avec la boule au ventre. Il y a eu plusieurs moments de doute sur toute la durée de tournage. De plus, il fallait constamment avoir en tête qu’on était là pour témoigner avec des images sans intervenir sur le déroulement des événements, et non pas pour faire de l’humanitaire avec l’objectif d’essayer de changer les choses, ce qui n’était pas toujours évident.
AVoir-ALire : Quels ont été vos rapports avec les personnes filmées ?
Simon Panay : Les rapports humains sont essentiels dans le documentaire. Il faut gagner la confiance de tous et être très clair sur les finalités du projet. Au sein de la mine qui brasse des centaines de personnes, il fallait constamment œuvrer pour garder des rapports qui ne laissaient pas la place au doute avec le petit groupe concerné par le tournage. Cela demandait notamment à être très vigilant avec les rumeurs : les Blancs ne seraient ils pas là pour racheter la mine ou encore pour comptabiliser les enfants afin de les sortir de la mine ?
AVoir-ALire : Toutes les séquences sont-elles spontanées ou ont-elles été recréées pour le tournage ?
Simon Panay : Il n’y a jamais eu de mise en situation provoquée. Toutes les scènes étaient "naturelles". Il nous fallait juste chaque jour anticiper ce qui se produirait ou pourrait se produire, aussi bien avec Opio qu’avec les autres protagonistes. Ce qui impliquait un échange permanent et que techniquement, on soit en mesure de tourner. On a tout de même parfois été pris de court en raison d’événements impossibles à prévoir, de comportements individuels inattendus ou encore de changement de conditions météorologiques. Pour certains lieux, il nous fallait impérativement disposer d’une autorisation des pouvoirs publics
AVoir-ALire : Quel a été le temps nécessaire total pour arriver à l’aboutissement du film ?
Simon Panay : Cinq ans : un an a été nécessaire pour la préparation et les repérages ; ensuite le tournage s’est étalé sur deux ans, et pour finir, deux ans ont été consacrés à la post-production. Et c’est sans compter la période actuelle d’accompagnement du film. Depuis le 1er mars, date de sortie, et au moins jusqu’à la période estivale, je participe à des projections débats quasiment chaque jour.
AVoir-ALire : Quels sont vos projets ?
Simon Panay : J’ai plutôt des projets de fiction, mais toujours en Afrique de l’Ouest. D’abord, un court métrage qui est en cours de préparation avec France 2. Il doit se tourner en décembre au Sénégal. Ensuite, j’ai deux projets de longs métrages qui devraient se tourner également au Sénégal. En fait, le second devait se réaliser au Burkina Faso, mais pour des raisons de sécurité actuelles, il se fera aussi au Sénégal, à charge pour moi d’adapter le scénario. Quant au premier, ce sera une comédie avec un casting en partie français, en partie sénégalais. Pour le second, la distribution devrait être totalement sénégalaise. J’ai déjà pensé à quelques acteurs, mais pour l’instant, rien n’est fait. Pour le premier long, j’espère un tournage en 2024.
- Simon Panay
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