Comment devient-on raciste ? - Ismaël Méziane - la chronique BD

Roman graphique en forme de manuel de sociologie, ou alors petit condensé de recherche scientifique vulgarisé et autobiographique, les deux intitulés peuvent très bien marcher pour tenter de définir le projet enfin paru d’Ismaël Méziane, qui met donc en scène et en dessins deux chercheuses. L’une historienne, l’autre anthropologue généticienne, toutes deux vont combiner leurs forces pour, à la suite d’une exposition de 2017 (Nous et les Autres), continuer de présenter le fléau et surtout l’expliquer, démontrant son caractère universel et hélas continu dans le temps. Pour le comprendre, lui donner un nom et des attributions, des schémas clairs viennent se greffer à l’histoire personnelle de l’auteur, qui ayant vécu un racisme plus ou moins latent, souvent intériorisé, se retrouve à vouloir exulter, sur un divan ou des planches.

Ismaël Méziane / Casterman

Ce seront donc des planches de bandes dessinées que viendra la catharsis. Pour le dessinateur de Nas, poids plume, si le côté humour et enfantin semble d’abord abandonné, il y a cependant une profonde respiration dans le style, qui joue sur des émotions fortes, longtemps contenues et qui se réveillent. Les tranches de vie personnelle viennent casser les personnages sans traits aux couleurs différentes (rouge, bleu, vert), sortes de bonhommes de jeux de société qui donneraient vie aux théories et concepts que l’histoire et la sociologie ont inventés. Pour la vie personnelle, c’est un rendu un peu timide, puis qui comme le personnage s’ouvre peu à peu, laissant place à la compagne, l’enfant à venir, la famille aussi…

Ismaël Méziane / Casterman

Excellent manuel, très bonne prise de conscience et album chargé en émotions, Comment devient-on raciste est plus qu’une simple leçon sur la société ou qu’une introspection graphique, il est un savant mélange des deux.