Ciel d’enfer
Un film de Youssef Chahine
Avec Faten Hamama, Omar Sharif, Zaki Rostorn
A l’époque du roi Farouk, un ingénieur agronome, Ahmed, revient au village aider les paysans à améliorer leur culture de la canne à sucre. Le film raconte donc l’affrontement entre un jeune ingénieur agronome (Omar Sharif) issu d’un milieu paysan et le pacha tout-puissant des environs. L’amour, les vengeances et les poursuites s’entremêlent de façon rocambolesque jusqu’au triomphe final de la justice.

Les Eaux noires
Un film de Youssef Chahine
Avec Faten Hamama, Omar Sharif, Ahmed Ramzy
Un marin, Ragab revient à Alexandrie après trois ans de mer. Il a économisé pour pouvoir épouser Hamida, une jeune fille qui vit avec sa mère sur le port. Il arrive en plein conflit entre le directeur du port et les dockers.

C’est toi mon amour
Un film de Youssef Chahine
Avec Farid el-Atrache, Chadia, Hind Rostorn
Pour conserver l’héritage d’un parent dans sa totalité, deux cousins sont contraints de se marier. Pourtant, ils se détestent. Farid sort avec une danseuse, Nana, et Yasmina fréquente Sensen, un riche industriel. Tout est bon pour retarder l’instant de l’engagement, y compris une crise d’appendicite. Rien n’y fait et les voilà partis pour leur lune de miel, surveillés par les amants respectifs.

Gare centrale
Un film de Youssef Chahine
Avec Youssef Chahine, Hind Rostorn, Farid Chawki
Kénaoui, vendeur de journaux boiteux et un peu simplet à la gare centrale du Caire, est amoureux d’Hanouma, une vendeuse de boissons. Mais celle-ci repousse ses avances et n’a d’yeux que pour le bagagiste Abou Sérif.

Saladin
Un film de Youssef Chahine
Avec Ahmed Mazhar, Nadia Lofti, Salah Zulficar
Durant les deuxième et troisième croisades, le sultan d’Egypte et de Syrie, Saladin, qui vient de vaincre les Croisés à Alexandrie, lutte contre une nouvelle expédition de Richard Cœur de Lion et Philippe Auguste. Entre les traîtrises de Renaud de Châtillon, qui massacre des pèlerins musulmans sur le chemin de la Mecque, et les luttes des cours française et anglaise, Saladin garde sa volonté de reconquérir Jérusalem...

La Terre
Un film de Youssef Chahine
Avec Mahmoud el-Meligui, Nagwa Ibrahim, Ezzat el-Alayli
Années 1930, une monarchie sous tutelle de la Grande-Bretagne gouverne l’Egypte. Loin du Caire, les paysans d’un village vivent péniblement. Un jour, pour favoriser les propriétaires terriens, les autorités décident de restreindre les permis d’irrigation. Accablés, les paysans tentent de se révolter. Mais les conflits latents s’exacerbent au sein de la communauté villageoise...

Le moineau
Un film de Youssef Chahine
Avec Mahmoud el-Meligui, Mohsena Tawfiq, Seif el-Dine
Juin 1967, en Egypte. A la veille de la guerre des Six Jours. Raouf, dont le père est un responsable des forces de l’ordre, poursuit des trafiquants qui le conduisent jusqu’à des commanditaires haut placés. La corruption se généralise dans le pays, tandis que, dans le Sinaï, d’autres hommes de la nation attendent le début des hostilités. Ils apprennent à s’apprécier...

Le retour de l’enfant prodigue
Un film de Youssef Chahine
Avec Mahmoud el-Meligui, Magda el-Roumy, Soheir el-Morchdi
Ali est attendu dans le village de Mitchaboura par les siens, les Madbouly, propriétaires d’une petite entreprise, et par les ouvriers pour qui il représente l’espoir. Pour Ibrahim, le fils de Tolba, le retour d’Ali, son oncle, doit lui permettre d’aller étudier à l’étranger ; ce à quoi s’oppose son père. Pour Fatma, qui a tout sacrifié, au nom de l’amour qu’elle voue à Ali absent, c’est la grande désillusion.

Alexandrie, pourquoi ?
Un film de Youssef Chahine
Avec Mohsen Mohieddin, Naglaa Fathi, Ezzat el-Alayli
1942, Alexandrie. L’Egypte, sous la domination britannique, s’attend à la prochaine arrivée de troupes allemandes ; la bataille d’el-Alamein est imminente. Yehia, un adolescent pétri de cinéma américain, veut devenir acteur et prépare un spectacle avec ses camarades du lycée catholique.

Notre avis : A Alexandrie, il y a deux merveilles : l’une antique, le phare d’Alexandrie, l’autre moderne, Youssef Chahine, qui est un auteur phare de l’Hollywood in Nil et du monde arabe pour le septième art : le cinéma. Son œuvre cinématographique est en effet monumentale et compte trente-sept films réalisés entre 1950 et 2007, sur un quart de siècle, ainsi que des courts-métrages et des pièces qu’il a mises en scène. Il a d’ailleurs reçu le Prix du cinquantième anniversaire du Festival de Cannes pour l’ensemble de son œuvre en 1997. Le coffret que propose le distributeur Tamasa rend hommage à neuf films marquants de la carrière de Youssef Chahine, décédé en 2008.
C’est dans ces neuf films que l’on trouve différents genres et et que l’on peut apprécier les prouesses du cinéaste, aussi bien en tant que réalisateur qu’acteur.
La passion de Youssef Chahine pour la scène et la mise en scène lui vient du théâtre d’ombres chinoises qu’il voyait enfant et de la lecture, alors adolescent, en anglais, des pièces de Shakespeare, ce qui lui a permis de découvrir le personnage d’Hamlet et d’en faire son personnage phare dans les années 1940. Hamlet est le point de départ sans cesse réécrit de la construction des héros de ses films, constituant "un moyen pour sortir le diable qui était en [lui]". Par exemple, on peut citer Gare centrale, comédie musicale, dans lequel le rôle de Kennawy, ayant pour intertexte Hamlet "à qui il emprunte son audace", est tenu par Youssef Chahine, qui rejoue la scène entre le héros danois et son amante Ophélie, reprend les pas de danse de Gene Kelly et Fred Astaire.
Il faut préciser que Chahine a fait ses études de cinéma à Hollywood. C’est en 1936 qu’il a découvert les films américains et qu’il en a tiré "la technique pour faire bouger les gens". Cependant, il a toujours refusé de travailler pour Hollywood préférant "faire du cinéma pour montrer des gens qu’[il] conna[ît]", pour "restituer le réel", "[s]es souvenirs", "des vécus de gens proches" plutôt que de "faire des films de pure fiction". En effet, sa préférence va vers les essais plutôt que les romans. C’est en cela que l’on peut dire que les films du coffret La Complainte égyptienne sont à la fois du cinéma intimiste révélant le moi individuel, tel celui de Woody Allen, dans la figure de l’antihéros (Ciel d’enfer, Gare centrale, Alexandrie, pourquoi ?) et du cinéma historique révélant le moi collectif, comme a pu le faire Sergio Leone (Saladin).
L’œuvre majeure du coffret en est d’ailleurs Gare centrale qui est considéré comme le meilleur film arabe, voire le meilleur film tout court du XXe siècle. Pour ce film, c’est le producteur qui a suggéré à Youssef Chahine de tenir le premier rôle ce qui a permis de faire sortir "le Hamlet en [lui] qui n’était jamais sorti, c’est-à-dire quelqu’un qui souffrait terriblement, de tous les côtés". Ce long métrage, pourtant mal compris et décrié à sa sortie, s’est avéré en rupture avec le cinéma made in Hollywood in Nil, qui racontait des histoires d’amours heureuses. Même si Youssef Chahine ne souhaite pas donner d’étiquettes à ses films, il n’en demeure pas moins que Gare centrale, en affichant sa marginalité aussi bien dans le fond que la forme, préfigure une nouvelle vision du cinéma en Egypte et s’imprègne du néoréalisme italien.
Ainsi, Youssef Chahine a dû prouver sa valeur en tant que réalisateur, d’autant plus qu’il a toujours refusé d’entrer dans la compromission, la complaisance ou l’abnégation. C’est grâce à des producteurs courageux et à son amour du cinéma que son œuvre a pu voir le jour. Il a dû faire face à la censure, à la prison, à l’absence d’aide financière et, de ce fait, il a été "toujours fauché".
Plus proche de Nasser que de Sadate, Youssef Chahine adopte une posture engagée dans ses films à partir de 1967. Déjà avec Al-Nasser Salah Ad-Din - "Le Victorieux Saladin" -, film le plus cher de toute l’histoire du cinéma égyptien en 1963, il fait référence au président de l’époque à qui il rend hommage, mettant à contribution pour la réalisation de cette grosse production son gouvernement et son armée. En 1969, la conscience politique s’affirme dans La Terre, qui s’avère, pour la gauche arabe,le manifeste de son combat contre les propriétaires terriens. En 1972, Chahine tourne en dérision les perdants de la guerre des Six Jours contre Israël en 1967 dans Le Moineau, qui s’inspire de la vie du poète engagé Cheikh Imam et se fait interdire à sa sortie, avec retrait de visa d’exploitation. Enfin, l’engagement politique s’achève dans la réalisation du film Le Retour de l’enfant prodigue : ce dernier affiche des désillusions politiques et montre un Youssef Chahine qui décide de s’éloigner des militants et des intellectuels de la gauche égyptienne.
L’aspect polyphonique de l’œuvre de Youssef Chahine est le reflet du franc-parler du réalisateur et de ses propres prises de position artistiques. Son regard critique, acerbe et lucide sur la nature humaine, lui permet de créer sa propre voix dans le monde de la production cinématographique. C’est ce qui lui a permis de propulser la carrière d’acteurs égyptiens en leur donnant des rôles, ou adaptés à leur physique ou à contre-emploi, parmi lesquels on peut citer Omar Sharif, Youssef Whaby, Mohsen Mohieddine. Il a également conduit au succès des artistes qui ont contribué à la bande originale de ses films : Abdelhalim Hafez, Magda Roumi. ou des titres tels que Zeina qui est devenu un véritable tube.
Ainsi, La Complainte égyptienne, qui offre des films en version originale sous-titrée, permet de suivre le parcours du réalisateur Youssef Chahine depuis ses premières productions, souvent liées à la comédie musicale, jusqu’au début de ses films d’introspection qui démarrent sa tétralogie autobiographique, en passant par la période de ses réflexions politiques sur l’histoire de l’Egypte et du monde arabe de l’époque. Elle constitue la photographie d’un cinéaste en construction, mais déterminé et sûr de ses convictions sur le rôle du septième art, ce qui confirme le statut de l’artiste en tant que phare du cinéma égyptien, voire arabe, voire international.