Abattu en plein vol
Le 3 octobre 2011
Qu’est-il arrivé au peuple égyptien lors de la défaite de 1967 face à Israël ? Youssef Chahine tente de répondre à la question, dans un essai d’auto-analyse sur l’esprit de l’époque. Un film complexe et personnel.
- Réalisateur : Youssef Chahine
- Acteurs : Mahmoud El-Meliguy, Habiba, Saleh Kabil
- Genre : Drame, Film de guerre
- Nationalité : Algérien, Égyptien
- Editeur vidéo : Pyramide Video
- Date de sortie : 13 novembre 1974
- Festival : Festival de Cannes 1973
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– Durée : 1h42min
– Titre original : Al Ousfour
– Année de production : 1972
Qu’est-il arrivé au peuple égyptien lors de la défaite de 1967 face à Israël ? Youssef Chahine tente de répondre à la question, dans un essai d’auto-analyse sur l’esprit de l’époque. Un film complexe et personnel.
L’argument : Juin 1967, à la veille de la guerre des Six jours contre Israël. Raouf est un jeune officier, fils adoptif d’un responsable important des forces de l’ordre. Alors qu’il poursuit le bandit Abou Kheidr, il rencontre Youssef, journaliste chevronné, qui enquête sur une affaire de détournement de machines d’une usine. La corruption se généralise dans le pays, tandis que dans le Sinaï, les soldats attendent le début des hostilités.
Notre avis : Certains conflits historiques sont surinvestis par le cinéma : Seconde Guerre mondiale, Vietnam, Guerre du Golfe, etc. Les conflits « locaux » - comprenez : où ne sont pas directement intervenues de grandes puissances - intéressent moins, quand bien même ils seraient tout aussi décisifs. Certes, il se trouve moins de narrateurs pour en conter les tournants et aboutissants ; mais c’est aussi que parmi les nations qu’elles concernent, ces guerres ont pu jouer un rôle tour à tour fédérateur ou traumatique. C’est le cas de la guerre des Six Jours pour la nation égyptienne : une guerre éclair débouchant sur une défaite quasi-instantanée, faisant ressentir dans le monde arabe le gong d’une « humiliation » politique sans précédent. Le panarabisme que Nasser s’était acharné à défendre sur toute une décennie connut à ce moment précis son chant du cygne, accompagné d’un lamento sur les 10 000 à 15 000 victimes égyptiennes du conflit. Le moineau n’est pas, à proprement parler, un « film de guerre », au sens classique du terme : s’il met en partie en scène des militaires, Chahine ne montre aucune fascination pour les manœuvres et les combats, pas plus que pour les stratégies qui se nouent au plus haut de l’état-major. Moins de dix ans après les faits, à l’orée d’une nouvelle guerre de revanche (la guerre de Kippour, à laquelle la censure égyptienne a donné la priorité sur le film de Chahine), on peut lire le film comme une tentative d’analyse (politique et sociale, mais surtout psychologique) de la nation égyptienne. Après le traumatisme, la réflexion : comment en sommes-nous arrivés là ?
Pour qui n’est pas familier des enjeux géopolitiques régionaux du Proche-Orient, la réponse paraît d’une complexité sans nom, d’autant plus que la narration de Chahine est fragmentée, elliptique, et qu’elle fait un détour par une première intrigue (la capture d’un bandit dans le désert) pour parvenir à « son » objet propre. La réussite du réalisateur tient pourtant au sentiment général qui transparaît dans Le moineau, un curieux mélange d’exaltation, de frénésie politique et de frustration, qui reflète sa vision personnelle de l’Egypte de la fin des années 1960. Cet état d’esprit de l’époque s’incarne dans des personnages singuliers, produits des différentes institutions étatiques (la police, l’armée...), et qui sont traversés par des sentiments contradictoires. Le film révèle alors son enjeu : il ne pourra pas tout à fait expliquer, au mieux seulement décrire. On retient du Moineau une sorte de confusion éloquente, qui confine à la mélancolie, car à la question initiale « Comment ? », elle semble en définitif répondre : « Je ne sais pas, et c’est comme ça ».
Ce film fait partie du coffret Youssef Chahine.
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