Nous nous sommes tant aimés
Le 3 octobre 2011
Les années 1970, côté désenchanté : Youssef Chahine prend le pouls malade de trois générations fatiguées, dans un film d’inspiration "biblique" où parvient toujours à percer un sentiment de vie.
- Réalisateur : Youssef Chahine
- Acteurs : Mahmoud El-Meliguy, Hoda Soltan, Shukry Sarhan, Majida El Roumi
- Genre : Drame, Comédie musicale
- Nationalité : Algérien, Égyptien
- Editeur vidéo : Pyramide Video
- Date de sortie : 25 janvier 1978
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– Durée : 2h00mn
– Titre original : Awdat al ibn al dal
– Année de production : 1975
– Date de sortie DVD : le 5 octobre 2011
Les années 1970, côté désenchanté : Youssef Chahine prend le pouls malade de trois générations fatiguées, dans un film d’inspiration "biblique" où parvient toujours à percer un sentiment de vie.
L’argument : Une grande famille égyptienne en pleine décadence attend le retour du fils, en prison depuis 12 ans. Un jour, Ali est libéré et rejoint les siens, mais ses années de prison ont brisé sa jeunesse et ses idéaux. Passée la joie des retrouvailles, c’est la désillusion pour ses proches : Fatma, sa fiancée qui l’a attendu depuis son départ, Hassouna, l’ouvrier qui avait placé en lui ses espoirs d’un monde plus juste et Ibrahim, son neveu, qui comptait vraiment sur un soutien de sa part pour ses projets de départ.
Notre avis : S’il y a un cinéma pluriel et multiforme, c’est bien celui de Youssef Chahine : dans Le retour de l’enfant prodigue, le spectateur rencontre tour à tour des personnages au destin digne d’une tragédie grecque, une esquisse de fresque sociale ou encore des fragments de « drame musical », dont la mise en scène et le sentiment de vie n’ont rien à envier à Jacques Demy. Nous sommes en 1976, et les idées comme les formes cinématographiques sont foisonnantes dans le cinéma de Chahine. Après la mort du héros Nasser, et au milieu des (apparemment) éternels conflits du Moyen-Orient, le cinéaste égyptien parvient à distiller l’esprit de l’époque dans une sorte de fable du désenchantement : si l’espoir réside peut-être dans les plus jeunes âmes, au moins deux générations de voyageurs, d’entrepreneurs et d’idéalistes sont condamnés à l’échec, la haine mutuelle et - c’est là le pire... - à la désillusion. Difficile de nommer « ce que » le film accuse ; le flou est volontaire, car plus le film avance, multipliant les points de vue des personnages, et moins il devient démonstratif. Ce sera au spectateur de trancher : rester dans l’indécision ou désigner un coupable. Il n’est pas impossible que la position de Chahine se réfugie elle-même dans l’excuse de l’absurdité, comme semble le montrer la fin du film. En cela, Le retour de l’enfant prodigue pourrait bien être l’une des œuvres les plus pessimistes du réalisateur, puisqu’au bilan, rien - sauf peut-être le rire de deux clowns sur fond de coucher de soleil - n’a réellement de sens.
L’une des grandes forces du film réside aussi dans son jeu subtil avec les symboles, les croyances et même les mythes. Contrairement au célèbre Destin, que Chahine réalisera plus de vingt ans plus tard, Le retour de l’enfant prodigue ne « traite » pas directement de la religion, mais c’est bien entendu un arrière-plan biblique qui le structure de part en part, dès le titre. Les analogies possibles avec les textes des trois monothéismes ne sont jamais explicitées, elles s’inscrivent avec fluidité dans le cours de la narration. On pense successivement, et presque inconsciemment, à Jésus, Caïn et Abel, la fuite en Egypte... En cela, Youssef Chahine rejoint la démarche d’un autre grand auteur égyptien - cette fois dans le domaine littéraire -, le prix Nobel Naguib Mahfouz, qui avait causé un scandale en racontant dans Les fils de la médina des paraboles « inspirées » de la vie des différents prophètes et patriarches... D’une certaine manière, Le retour de l’enfant prodigue pourrait apparaître comme une parabole possible de l’auteur Chahine, à ceci près qu’elle est sans cesse animée par un sentiment de vie et de réalité intarissable, et surtout qu’elle ne tourne nos regards vers aucun prophète. Cette parole-là pourrait bien être inoubliable.
Ce film fait partie du coffret Youssef Chahine.
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