« La pensée a des ailes. Nul ne peut arrêter son envol. » (Youssef Chahine)
Le 28 novembre 2008
- Réalisateur : Youssef Chahine
- Acteurs : Nour El-Sherif, Laila Eloui, Mahmoud Hemida, Hani Salama, Faris Rahoma
- Genre : Drame, Historique
- Nationalité : Français, Égyptien
- Distributeur : Tamasa Distribution
- Durée : 2h15mn
- Reprise: 14 novembre 2018
- Titre original : al-Massir
- Date de sortie : 15 octobre 1997
- Festival : Festival de Cannes 1997
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Un grand film de Youssef Chahine, qui traduit son sens du romanesque et son profond humanisme.
Résumé : Désirant amadouer les intégristes, le calife el-Mansou ordonne l’autodafé de toutes les œuvres du philosophe andalou Averroès dont les concepts influenceront non seulement l’age des Lumières en Occident, mais toute la pensée humaine. Les disciples d’Averroès et ses proches décident d’en faire des copies et de les passer à travers les frontières.
Notre avis : Au XIIe siècle, dans le Languedoc, un traducteur des œuvres du philosophe Averroès est brûlé comme hérétique. Son fils Joseph s’enfuit pour l’Andalousie où il est recueilli par la famille d’Averroès. Ce dernier est également Grand Juge et premier conseiller du calife Al Mansour, qui a deux fils, Abdallah et Nasser, proches d’Averroès et d’une communauté gitane conviviale. Averroès est reconnu pour sa sagesse, sa tolérance et son sens de l’équité. Mais une secte fanatique dirigée par le cheikh Riad s’en prend à ses écrits et traque les artistes. Tandis que la secte réussit à endoctriner Abdallah tenté par le fondamentalisme, Joseph et Nasser entreprennent de sauver les livres d’Averroès, menacés d’autodafé… Deux décennies après son triomphe au Festival de Cannes 1997 où il obtint le Prix du 50e anniversaire, le film de Youssef Chahine impressionne toujours et reste d’actualité. Le Destin a d’abord le mérite de faire découvrir un penseur méconnu, père d’une doctrine complexe, l’averroïsme, dont les concepts ont influencé l’ère des Lumières en Occident, et la pensée humaine en général. Mais loin de proposer une œuvre didactique sur l’histoire de la philosophie, Chahine opte pour le sens du spectacle et offre une épopée grandiose, sous la forme d’une fresque convoquant le film de cape et d’épée, le mélodrame, le conte oriental et la comédie musicale, sans emprunter pour autant le sentier de la superproduction culturelle consensuelle. Le réalisateur souhaitait bien sûr s’en prendre à l’intégrisme religieux, en forte progression en Egypte et dans plusieurs pays dans les années 90, les partisans du cheikh Riad personnifiant les islamistes de la fin du XXe siècle.
Chahine oppose alors l’obscurantisme et l’application sans recul des textes religieux à la puissance de la réflexion et la vertu émancipatrice du chant, de la danse, de la poésie, et des arts en général. Une démarche qui était déjà celle de Molière dans Le Tartuffe, l’intolérance et la rigidité d’esprit traversant les siècles. Pour autant, Chahine et son coscénariste Khaled Youssef ne signent pas une œuvre manichéenne et sont subtils lorsqu’ils montrent des personnages écartelés entre plusieurs convictions et sentiments. Le calife Al Mansour, influençable et peu clair dans ses instructions, croit aux valeurs de son conseiller et souhaite le protéger, mais il cède aux injonctions des intégristes sous la pression, avant de comploter contre eux. Son fils Abdallah baigne dans la joie de vivre et la liberté, avant son lavage de cerveau qui lui fait changer de posture. Mais il reste proche des siens lorsqu’il doit faire des choix définitifs et, lucide, déclare qu’on lui a pris son esprit mais pas son cœur. Son personnage est inspiré du parcours de l’acteur Mohsen Mohieddin que le cinéaste avait dirigé dans Adieu Bonaparte et Le Sixième jour. Loin des discours de haine et de contre-attaque, Chahine prône la suprématie éternelle de la science, de l’art et des droits humains qui auront le dernier mot face à l’extrémisme. Et son message vise l’ensemble des religions, le prologue français rappelant les méfaits qui annoncent l’Inquisition. Au sein d’une brillante distribution, il faut saluer les talents de Nour El-Sherif, sobre et mesuré, à l’instar de son personnage ; Laila Elwi, figure à la fois maternelle et sensuelle ; et le jeune Hani Salama, dont ce fut le premier rôle à l’écran. Récit épique et véritable appel au respect des valeurs universelles, Le Destin est donc l’une des grandes œuvres de son auteur, à (re)découvrir au même titre que Gare centrale ou Alexandrie pourquoi ?
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