Le chaos

Chahine est toujours la vigie de l’Egypte. Un beau mélo politique.

L’argument : Hatem est un policier véreux qui tient le quartier populaire de Choubra dans sa main. Fou amoureux de la belle Nour, cette jolie prof préfère de loin Cherif, le fils canon de sa directrice...

Notre avis : La place du marché n’est qu’une gigantesque foule, compacte et revendicative. Depuis le début des élections, la tension monte dans le quartier de Choubra au Caire : les exactions policières, les pots de vin et l’injustice au quotidien exaspèrent les petites gens. Mais, tout à coup, la manifestation pacifiste est envahie par les forces de police, matraques en mains. La place s’anime, puis les manifestants se dispersent, apeurés. D’un mouvement de foule, Le chaos glisse du documentaire à la fiction, découvrant le joli minoi de son héroïne, Nour. Youssef Chahine puise allègrement dans ce double fond du documentaire et de la fiction, mêlant le ras-le-bol politique au sirop de rose. C’est la règle d’or du cinéaste depuis ses débuts. Chahine contourne ainsi la censure "basse-du-front" en jouant la carte du divertissement.
Et ça marche, sans ravaler la qualité du film ou ses ambitions dénonciatrices. La love story entre Nour et Cherif, le bogosse égyptien, renoue, pour un Français, avec le roman photo. C’est pourtant l’occasion pour le cinéaste égyptien de brocarder les mœurs d’une jeunesse dorée et licencieuse. La première petite amie de Cherif fréquente assidûment les night clubs, s’habille en mini-jupe ou avorte. Que veut donc dire Chahine en frottant les mœurs locales aux acquis occidentaux ? On ne peut pas vraiment dire qu’il soit réac’, lui qui est ouvertement gay dans un pays peu ouvert à la différence sexuelle.
Le chaos flirte avec cette ambiguïté. Mais, à un âge canonique où la majorité de ses confrères repasse en boucle leurs thèmes fétiches, Chahine prend des risques. Cette radioscopie, filmée à quatre mains avec Khaled Youssef, est un beau passage de relais entre deux générations. Le feu de l’irrévérence n’a pas fini d’attiser le cinéma sur les bords du Nil.