Le 28 février 2007
Sans remettre en cause le talent des artistes primés, livrons-nous à l’analyse critique des choix opérés par les deux académies.
Sans remettre en cause le talent des artistes primés, livrons-nous à l’analyse critique des choix opérés par les deux académies.
Césars et Oscars... même combat ! Ces cérémonies consensuelles, qui se doivent de récompenser le meilleur de la production française ou américaine, viennent de s’achever à une journée d’intervalle et les résultats ne surprendront finalement personne puisqu’on cherche encore à ménager la chèvre et le chou, à couronner des œuvres non pas ambitieuses et révolutionnaires sur le plan cinématographique, mais bien un cinéma policé.
Aux Césars, la démagogie n’est quand même pas allée jusqu’à saluer le film Indigènes, pourtant favori, mais à partager les récompenses entre un film purement commercial (Ne le dis à personne) et un métrage d’art et essai à succès (Lady Chatterley). Le premier n’aurait jamais obtenu les prix du meilleur réalisateur pour Guillaume Canet, du meilleur acteur pour François Cluzet, ainsi que la meilleure musique et le meilleur montage s’il n’avait pas drainé un nombre phénoménal de spectateurs dans les salles obscures depuis sa sortie. Le second, caution artistique d’une cérémonie qui cherche à arroser large, a connu un bel accueil critique et public dans un réseau plus restreint, celui de l’art et essai. Il glane ainsi le César du meilleur film de l’année et de la meilleure actrice pour Marina Hands, ainsi que trois autres récompenses techniques. Le reste tient du saupoudrage afin de mettre en avant les succès de l’année comme Fauteuils d’orchestre, Je vais bien, ne t’en fais pas ou bien Je vous trouve très beau. Mais finalement, que sont devenues des œuvres aussi marquantes que le très social La raison du plus faible de Lucas Belvaux, véritable échec commercial qui n’a même pas eu le droit à une simple nomination ? Comme d’habitude, certains auteurs "ayant la carte" sont représentés tandis que d’autres ne seront jamais cités. Seule consolation dans ce désert artistique, le prix du meilleur film étranger attribué au superbe Little Miss Sunshine, lui aussi beau succès critique et public.
Du côté d’Hollywood, la cérémonie des Oscars constitue aussi un grand moment d’hypocrisie. Cette année, il s’agissait de s’acheter une bonne conscience : tout d’abord en récompensant Martin Scorsese pour la première fois de sa très longue et très riche carrière. Les infiltrés n’est sans aucun doute pas le meilleur ouvrage du cinéaste - simple commande visant à profiter du succès du hong-kongais Infernal affairs - mais le public s’est rué en masse devant son parterre de stars. Finalement, on peut penser que l’académie a choisi de lui donner l’Oscar du meilleur film et à Scorsese celui de meilleur réalisateur afin de saluer l’ensemble de la carrière d’un auteur désormais parfaitement intégré au système hollywoodien. Histoire d’effacer le temps d’un soir les réels problèmes raciaux des Etats-Unis, les membres du jury ont appliqué la méthode de la discrimination positive en oscarisant Forest Whitaker pour sa remarquable prestation dans Le dernier roi d’Ecosse et Jennifer Hudson pour Dreamgirls. Deux personnes de couleur au palmarès permettent ainsi de satisfaire une communauté et de répondre aux quotas ! Enfin, il paraît encore une fois déplacé de couronner le documentaire Une vérité qui dérange dans la catégorie meilleure chanson. Au vu de l’urgence de la situation sur le plan climatique, voilà un prix totalement inconvenant. Le tract politique d’Al Gore, tout à fait nécessaire d’ailleurs, a été également sacré meilleur documentaire. Il est vrai que l’Amérique se donne ainsi bonne conscience, oubliant un peu vite que c’est le très démocrate Bill Clinton qui a jadis refusé de signer le protocole de Kyoto visant à réduire les gaz à effet de serre. Parmi les récompenses méritées, on trouve tout de même celles attibuées au rayon de soleil Little Miss Sunshine et au remarquable film allemand La vie des autres.
Le palmarès des Césars
Le palmarès des Oscars
Loin des mondanités et des luttes d’influence, les spectateurs auront cette semaine la possibilité de revoir certaines œuvres primées dans les salles, ainsi que quelques nouveautés intéressantes. Voici donc trois bonnes raisons d’aller au cinéma cette semaine :
Raison numéro 1 : Si vous aimez les expériences cinématographiques, deux films ambitieux s’offrent à vous avec tout d’abord le très beau Entre adultes de Stéphane Brizé, subtile analyse de la vie de couple vue à travers le destin d’une dizaine de personnages. Tourné en quelques jours seulement, ce drame moderne devrait vous toucher par la qualité de son écriture. Ensuite, le trublion du cinéma danois Lars von Trier est de retour avec Le direktør, une comédie désespérée qui devrait une fois de plus diviser le public comme la critique.
Raison numéro 2 : Si vous aimez les confrontations entre deux formidables actrices, Chronique d’un scandale oppose Cate Blanchett et Judi Dench dans un suspense psychologique efficace venu tout droit d’Angleterre.
Raison numéro 3 : Avec la remise des prix qui vient d’avoir lieu, les spectateurs retardataires vont pouvoir faire un nouveau triomphe aux excellents Little Miss Sunshine et La vie des autres, tout en n’oubliant pas d’aller fréquenter d’autres métrages en continuation comme le déchirant destin d’Edith Piaf conté dans La môme.
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