Lemon insect
Le 7 août 2023
William Friedkin au sommet de son art dans une expérience monstrueuse et barrée. Le cauchemar américain dans toute sa splendeur.
- Réalisateur : William Friedkin
- Acteurs : Ashley Judd, Lynn Collins, Michael Shannon, Harry Connick Jr., Brían F. O’Byrne
- Genre : Drame, Thriller, Épouvante-horreur
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Metropolitan FilmExport
- Durée : 1h40mn
- Âge : Interdit aux moins de 12 ans
- Date de sortie : 21 février 2007
- Festival : Festival de Cannes 2006
Résumé : Serveuse solitaire au passé tragique, Agnes loge dans un vieux motel et vit dans la peur de son ex-mari violent, qui vient d’être libéré sur parole. Pourtant, quand elle esquisse une tentative de romance avec Peter, un homme excentrique et instable, elle retrouve espoir jusqu’à ce que les premiers insectes arrivent.
Critique : Cinéaste ambigu parce que fasciné par l’ambiguïté morale, William Friedkin est friand de films ténébreux qui autopsient la frontière, ténue, entre le bien et le mal, et laissent le spectateur réfléchir par lui-même. Avec Bug, il signe une descente aux enfers convulsive, singulière de profondeur et épatante de liberté artistique dont la choquante beauté se passe de commentaires. Trois ans après Traqué, film de studio rudement efficace qui rassurait sur la vitalité filmique de son auteur, Friedkin touche ici à la quintessence de son art : il mue ce qui aurait pu ressembler à un énième drame lambda sur fond de révélations de démons intérieurs en un charivari filmique d’une intensité peu commune.
Annihilant les tours de passe-passe des petits roublards à la mode (on peut causer de la paranoïa de la schizophrénie sans avoir recours au petit Lynch illustré et aux personnages présupposés imaginaires), Bug est juste un film qui s’effeuille progressivement pour laisser apparaître sa troublante nudité. En confrontant deux personnages paumés qui soignent leurs blessures (elle a perdu un enfant, il a connu les expériences pendant la guerre du Golfe) par l’amour (puis la déraison), Friedkin célèbre l’Amérique des paumés en zoomant dans les méandres mentaux de personnages qui confondent réalité et fantasme. En lorgnant discrètement vers les univers de Cronenberg et de Haynes, le réalisateur de Cruising fomente des séquences violentes, élégantes, fiévreuses et polémiques qui sont autant de promesses angoissantes. Le délire de la dernière demi-heure qu’il serait coupable de dévoiler (les rumeurs cannoises se chargeront de faire monter la sauce) risque de marquer méchamment les rétines au point de provoquer un enthousiasme paradoxal.
En toute logique, Friedkin produit un film beau et fort, brutal et émouvant, voluptueux et audacieux. En somme, richissime. Le drame intense bifurque vers des horizons plus obscurs et insaisissables et rappelle au passage que deux films fonctionnent en un. Tout ce qui suit met sens dessus dessous au propre comme au figuré, charrie le rire et l’effroi. Bref, stimule des tonnes de sensations qui n’attendaient que ça. Surtout, Ashley Judd et Michael Shannon sont sidérants. L’une confirme, l’autre se révèle. Leur implication extrême donne un surplus d’ambiguïté à ce grand bloc d’étrangeté qui va jusqu’à franchir déraisonnablement une ligne au-delà de laquelle on trouve une sorte d’hystérie maladive, une démence du sens et des affects. Immense réussite.
– Festival de Cannes 2006 : Quinzaine des réalisateurs
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Norman06 24 avril 2009
Bug - William Friedkin - critique
Le chef-d’œuvre de William Friedkin, supérieur à L’Exorciste. Cette adaptation d’une pièce à succès donne de réels frissons tout en étant une critique d’une certaine Amérique frôlant la dérive totalitaire. Commencé comme un drame sentimental à la John Sayles, le film débouche ensuite sur l’horreur pure.