La vierge du tueur
Le 7 août 2023
La venue au BIFFF de William Friedkin était fort attendue. Verdict : Killer Joe resplendit tel un joyau d’humour noir. Autant dire que cette tuerie fait l’effet d’une grande claque en pleine gueule.
- Réalisateur : William Friedkin
- Acteurs : Emile Hirsch, Gina Gershon, Thomas Haden Church, Matthew McConaughey, Juno Temple, Gralen Bryant Banks
- Genre : Drame, Thriller, Policier
- Nationalité : Américain
- Durée : 1h43mn
- Titre original : Killer Joe
- Date de sortie : 5 septembre 2012
- Plus d'informations : Histoire du polar au cinéma
- Festival : Festival de Venise 2011, BIFFF 2012
L'a vu
Veut le voir
Résumé : À Dallas, un détective est aussi tueur à gages. Lorsque Chris, un dealer de vingt-deux ans, voit son stock dévalisé par sa mère, il est contraint de trouver la somme de six mille dollars au plus vite, s’il ne veut pas mourir. Désespéré, il se tourne vers "Killer Joe" lorsqu’il s’aperçoit que l’assurance-vie de sa mère s’élève à cinquante mille dollars. Bien que Joe ait pour habitude d’être payé à l’avance, il accepte d’assouplir ses règles à condition que Dottie, la séduisante petite sœur de Chris, serve de "garantie sexuelle" jusqu’à ce qu’il soit payé... si ce jour vient.
Critique : En écoutant passionnément William Friedkin parler de son nouveau bébé, la frustration nous envahit tant le réalisateur culte se révèle moins causant quand il s’agit de tourner ! Est-il encore besoin de présenter celui qui, à l’instar de Coppola, régna en maître durant le Nouvel Hollywood ? Comme le décrit si bien Peter Biskind, dans son livre du même nom, "Billy (Friedkin, ndlr) avait remporté un Oscar pour French connection, il avait ensuite réalisé la troisième plus grosse recette de tous les temps avec L’exorciste, autant dire qu’il était le Christ réincarné. Il était intouchable." Toujours aussi rebelle dans l’âme, près de 40 ans plus tard, Friedkin n’y va pas avec le dos de la cuillère pour nous jeter en pleine face le visage peu reluisant de l’Amérique... Pour le coup, Killer Joe ne déroge pas à la règle ! Quant aux échos extrêmement positifs en provenance de Venise (où le film était présenté), ils s’avèrent rapidement fondés.
- © 2011 Voltage Pictures, Worldview Entertainment, ANA Media. Tous droits réservés.
Dès les premières images, le ton est donné. Sous une pluie battante à ne pas mettre un chien dehors (si ce n’est le molosse de la maison), Chris (Emile Hirsch) semble particulièrement perturbé par la tournure des événements lorsqu’il déboule sur le perron de la bicoque paternelle. Accueilli par sa belle-mère (Gina Gershon), la touffe à l’air, il trouve son père (Thomas Haden Church) captivé par un show de monster trucks à la télévision, une cannette de bière à la main, tandis que Dottie (Juno Temple), sa sœur à peine pubère, s’ennuie à périr dans sa chambre. En l’espace de quelques minutes, Friedkin nous introduit dans l’intimité profonde d’une famille recomposée de la basse classe américaine, avec un humour incisif et désabusé qui fait autant rire que froid dans le dos. En pareil contexte, selon l’adage, il est bien connu que la misère pousse au crime. Avec ce vieux briscard de Friedkin aux commandes, ne vous attendez pas à ce qu’il prouve le contraire...
- © 2011 Voltage Pictures, Worldview Entertainment, ANA Media. Tous droits réservés.
Revenons-en justement à notre brebis galeuse, un petit dealer de bas étage, dans la dèche jusqu’au cou à cause de cette mère incapable de se soucier un seul instant du bien-être de ses rejetons. La solution pour se sortir de ce sale pétrin inextricable consisterait à la liquider, avec à la clé toute l’oseille amassée grâce à son assurance-vie. C’est là qu’intervient Killer Joe, négociateur intraitable qui n’est pas né de la dernière pluie pour tirer profit des crétins de l’Amérique profonde ; et au Texas, ils se comptent par milliers au kilomètre carré... Le pervers aime être remercié financièrement en temps et en heure, sinon il saura patienter en prenant son pied avec la très jeune et inexpérimentée Dottie... Friedkin prend un malin plaisir à exhiber les charmes de son corps de jeune femme, laissant le soin au spectateur d’imaginer toute la morbidité du sexe, à caractère immoral pour ne pas dire pédopornographique, se consommant dans l’arrière-chambre... tandis que son amour se consume déjà...
- © 2011 Voltage Pictures, Worldview Entertainment, ANA Media. Tous droits réservés.
Bien évidemment, rappelle-t-il ironiquement avant que le film ne commence, cette version ne verra jamais le jour dans les salles obscures de l’Oncle Sam (censure oblige !)... Quoi qu’il en soit, si le bonhomme se moque des conventions bien-pensantes de sa mère-patrie, le cinéphile avisé ne peut que se réjouir face à une telle liberté de ton totalement assumée et décomplexée. Avec une maestria hallucinante, Killer Joe conjugue le plaisir coupable de Baby Doll et le polar sang pour sang coenien, façon Fargo. Mais le tour de force est d’avoir confié le rôle principal au has been Matthew McConaughey qui livre une prestation absolument époustouflante, dans la même veine que celle accomplie dans Lone Star. La soixante-dizaine bien entamée, Friedkin semble avoir retrouvé une seconde jeunesse pour notre plus grand bonheur, fruit de sa collaboration avec le formidable scénariste Tracy Letts, amorcée il y a cinq ans avec le démentiel Bug. Il se pourrait bien que Killer Joe soit son chef-d’œuvre définitif, rien de moins... Chapeau bas l’artiste !
La chronique vous a plu ? Achetez l'œuvre chez nos partenaires !
Galerie Photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.