La loi de la jungle
Le 7 août 2023
Chef-d’œuvre maudit, Sorcerer fut longtemps cahoté par la fortune. Amputé d’une demi-heure lors de son exploitation en salles, naufrage commercial fracassant, Le convoi de la peur poursuit sa course envers et contre tout et charrie les âmes des spectateurs jusqu’à les plonger dans une version contemporaine de l’enfer.
- Réalisateur : William Friedkin
- Acteurs : Francisco Rabal, Roy Scheider, Bruno Cremer, Amidou, Ramon Bieri
- Genre : Drame, Aventures, Action, Thriller, Road movie, Remake
- Nationalité : Américain
- Distributeur : La Rabbia
- Durée : 2h01mn
- Reprise: 15 juillet 2015
- Box-office : 382 234 entrées France (sortie originelle)
- Titre original : Sorcerer
- Date de sortie : 15 novembre 1978
Résumé : Quatre étrangers de nationalités différentes, chacun recherché dans son pays, s’associent pour conduire un chargement de nitroglycérine à travers la jungle sud-américaine. Un voyage au cœur des ténèbres…
Critique : Après le succès rencontré par French Connection et L’exorciste, William Friedkin adapte en 1975 Le salaire de la peur, roman de Georges Arnaud, d’ores et déjà brillamment mis en scène par Henri-Georges Clouzot. Le récit du périple de quatre criminels égarés au fin fond de l’Amérique du Sud se transforme, à travers la caméra de l’impertinent cinéaste américain, de thriller psychologique en film d’aventures. Souvent évoqué avec tendresse par son auteur qui le considère d’ailleurs comme son œuvre majeure, Sorcerer demeure l’un des derniers grands films du Nouvel Hollywood.
- © Film Properties International N.V., Paramount Pictures, Universal Pictures. Tous droits réservés.
Si les conflits avec les studios de production furent multiples, William Friedkin eut par ailleurs à faire face à une myriade de contrariétés intrinsèques au projet. Steve McQueen, envisagé à l’origine pour le rôle de Scanlon, l’un des conducteurs de camions transportant le chargement de nitroglycérine, fut remplacé par Roy Scheider. Bruno Cremer quant à lui reprendra le rôle de Lino Ventura pour le personnage de Manson. Guerre civile, maladies tropicales, conditions météorologiques infernales... l’équipe du tournage dut braver tant les agressions naturelles que les exigences farouches du metteur en scène. Film de sueur et de sang d’où le danger exsude, Sorcerer atteint son point d’orgue lors d’une scène surréaliste de douze minutes, lorsque l’un des camions chargés d’explosifs doit traverser un pont sur le point de s’effondrer dans la tempête.
À l’ombre de la violence sourde d’une jungle impénétrable et de rapports humains houleux, Friedkin conduit les deux monstres d’acier, baptisés Lazaro et Sorcerer -d’après une chanson de Miles Davis-, à travers vents déchaînés, chutes d’arbres, routes incendiées. En faisant fi d’un quelconque aspect psychologique, le cinéaste laisse s’exprimer la puissance sensorielle de l’image. Noyé dans les nappes électroniques de la musique de Tangerine Dream, le spectateur s’asphyxie. Entre mysticisme et réalisme atroce, Sorcerer évolue de totems en corps carbonisés par l’industrie.
- © 1977 Film Properties International N.V., Paramount Pictures, Universal Pictures. Tous droits réservés.
Les allusions à l’actualité internationale se prouvent parfois bancales -notamment en ce qui concerne le conflit israélo-palestinien-, impertinentes souvent -l’allusion à peine voilée au négoce pétrolier de la compagnie du patron de Paramount-, brûlantes toujours. En se positionnant à contre-courant des attentes du public lors de sa sortie, Sorcerer élude les interrogations moralistes et nourrit la fièvre qui atteint les témoins de l’œuvre, régressant à leur stade le plus primaire, celui d’animal sensible.
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Frederic Bessiere 4 janvier 2020
Le convoi de la peur - William Friedkin - critique
Un film étonnant, onirique. Une BOF assez curieuse cependant que je trouve à titre personnel un peu hors contexte.
Il est intéressant de regarder sous forme de double programme ce film et celui de Clouzot "le salaire de la peur", qui est une adaptation du même roman. Cela permet ainsi de mesurer le travail d’adaptation, la personnalité et les choix des metteurs en scène et scénaristes.