Le 4 juin 2024
Rendez-vous avec Pol Pot est une odyssée aussi magnifique que terrifiante au cœur du génocide abominable perpétré pendant des années par le régime des Khmers Rouges. Une œuvre importante et saisissante pour ne jamais oublier.
- Réalisateur : Rithy Panh
- Acteurs : Grégoire Colin, Irène Jacob, Cyril Gueï
- Genre : Drame, Historique, Drame historique
- Nationalité : Français, Taïwanais, Turc, Cambodgien, Qatari
- Distributeur : Dulac Distribution
- Durée : 1h52mn
- Date de sortie : 5 juin 2024
- Festival : Festival de Cannes 2024
L'a vu
Veut le voir
– Festival de Cannes 2024 : Sélection officielle, Cannes Première
Résumé : 1978. Depuis trois ans, le Cambodge, devenu Kampuchéa démocratique, est sous le joug de Pol Pot et ses Khmers rouges. Le pays est économiquement exsangue, et près de deux millions de Cambodgiens ont péri dans un génocide encore tu. Trois Français ont accepté l’invitation du régime et espèrent obtenir un entretien exclusif avec Pol Pot : une journaliste familière du pays, un reporter photographe et un intellectuel sympathisant de l’idéologie révolutionnaire. Mais la réalité qu’ils perçoivent sous la propagande et le traitement qu’on leur réserve va vont peu à peu faire basculer les certitudes de chacun.
Critique : Rithy Panh n’oublie pas qu’il s’est fait connaître au cinéma par ses activités de documentariste. D’ailleurs, la séquence d’ouverture de son long-métrage de fiction mêle des images d’archive qui montrent le Cambodge vu du ciel et la reconstitution des trois personnes venues faire un reportage sur le pays, à savoir une journaliste aguerrie à son métier, un photo reporter et un intellectuel de surcroît communiste. D’ailleurs, tout le récit n’aura de cesse d’alterner les images d’archive avec la mise en scène fictionnelle, déployant peu à peu l’envers d’un régime impitoyable, déterminé à faire disparaître toutes celles et tous ceux qui représentaient aux yeux de Pol Pot le monde d’avant le marxisme. Rendez-vous avec Pol Pot est un récit quasi initiatique qui cherche à révéler la mécanique diabolique du despotisme, sous couvert de discours de propagande ou de mises en scène savamment menées où les habitants doivent mimer une organisation idéale dans laquelle chacun mange à sa faim et produit de l’alimentation pour le seul intérêt général. On sait hélas depuis que les Khmers Rouges ont organisé l’un des pires génocides de l’histoire de l’humanité.
- Copyright Dulac Distribution
Le réalisateur manie avec brio la fiction et l’enquête journalistique. Il connaît bien le Cambodge contemporain qu’il tente de mieux décrypter dans ses travaux cinématographiques. Il opte pour une mise en scène précise, qui prend le temps de la découverte d’un discours manipulatoire des autorités et de comportements de plus en plus violents. La narration s’appuie sur des maquettes dressées pour l’occasion, comme si la représentation artistique du périple journalistique engagé par les trois personnages ne pouvait trouver sa parfaite résonance que dans le pas de côté de la création. L’horreur qui va doucement se révéler aux personnages trouve ainsi un espace d’incarnation bien plus fort, tant la brutalité et l’absence totale d’empathie du régime sont immenses. Même les mots manquent pour caractériser la manière dont cet homme, Pol Pot, broie tout sens de l’altérité, au seul motif d’installer sa puissance et son modèle unique de gestion d’un pays.
Irène Jacob, Grégoire Colin et Cyril Gueï incarnent avec beaucoup de retenue et de mesure les trois personnes invitées pour témoigner à l’Occident d’un modèle de gouvernance idéal. La première notamment interprète cette journaliste solide, très expérimentée, qui manie la langue avec la sagesse d’un Sioux, convaincue que le moindre faux pas peut leur coûter la vie. Le second joue le rôle d’un communiste qui lutte contre la vérité d’un régime qui a fait fi de ses valeurs pour mieux imposer sa domination. Et le troisième incarne le photo-reporter, un homme courageux, téméraire, qui au nom de son engagement, n’hésite pas braver les lignes. Tous les trois composent une équipe que l’on ressent en permanence sur le fil, sans pour autant que l’angoisse ne les gagne trop pour continuer leur mission. Leur présence sur l’écran laisse sans voix, comme si eux-mêmes avaient été absorbés par la barbarie de Pol Pot et qu’ils avaient été changés intérieurement. D’ailleurs, à la fin, le spectateur ne sait plus des images d’archive et de la fiction où se situe le réel de la reconstitution.
- Copyright Dulac Distribution
Rendez-vous avec Pol Pot se regarde comme un documentaire qui éclaire le monde sur un drame qui a duré quatre ans et a éliminé près de 20 % de la population cambodgienne. Une nouvelle fois, le film revendique la nécessité pour pays comme la France de garantir le droit de la presse et la protection à toutes les personnes qui fuient la barbarie de leur pays. Plus qu’un film témoignage, Rithy Panh dresse un discours historique et politique d’envergure qui ne laissera personne indifférent. La mémoire est ravivée, comme celle pour toutes les nations du monde qui ont vu leurs populations décimées la brutalité du régime en place.
Rendez-vous avec Pol Pot est un film d’où l’on sort à la fois épuisé par la perversité du régime communiste Khmer et revigoré par la nécessité de continuer à faire vivre la mémoire de ces millions de personnes qui ont été massacrées. Inspiré d’une enquête d’Elisabeth Becker Les larmes du Cambodge : l’histoire d’un auto-génocide, le long-métrage résonnera longtemps dans le cœur des spectateurs qui l’auront vu.
Galerie Photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.