Le 14 novembre 2018
Un film-installation aussi fascinant qu’intelligent.
- Réalisateur : Rithy Panh
- Acteur : Randal Douc
- Genre : Documentaire
- Nationalité : Français, Cambodgien
- Durée : 1h18mn
- Festival : Festival de Cannes 2016
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– Sortie DVD : le 20 novembre 2018
Résumé : L’exil est un abandon, une solitude terrifiante. Dans l’exil, on se perd, on souffre, on s’efface. Mais on peut retrouver les siens, aussi. Au pays des mots, des images, dans la rêverie qui n’est pas seulement enfantine. Tout commence par l’exil et rien ne vaut que par lui.
Notre avis : Le film s’ouvre sur L’Internationale, version vieillie et dissonante ; cette hymne sera repris plus tard par une boîte à musique. Et au fond, Exil se joue dans cette métaphore, la perte de l’idéal, la dissonance entre les discours et la réalité, entre des slogans enthousiasmants et un quotidien avilissant. À partir de cette idée, le métrage bâtit une manière d’installation sobre : un homme (le réalisateur jeune), muet, dans une cabane. C’est tout. Mais la cabane se remplit d’objets et d’images qui apparaissent et disparaissent au gré d’un collage naïf ; elle devient un monde mental, peuplé aussi bien de planètes que de plantes et, au final, traduit un cheminement de la pensée. On y trouve des motifs récurrents comme les oiseaux, la nourriture ou le feu qui font un pont entre le passé (images en noir et blanc, la plupart du temps) et présent onirique. Si le procédé peut sembler apparemment froid, il recèle suffisamment d’inattendu et, osons le mot, de poésie, pour envoûter le spectateur de bonne volonté. D’autant que le caractère autobiographique conduit certains passages (la photo de la mère) vers une émotion qu’on ne soupçonne pas au départ, avec la voix distanciée du monologue.
Dans ce jeu de piste qui est aussi une interrogation existentielle, chacun sera sensible à tel ou tel élément : les extraits de Baudelaire, de Ponge ou de Char ont évidemment leur beauté, mais on s’avoue séduit par des plans somptueux, parfois énigmatiques. Ainsi de ces oiseaux dans le ciel cambodgien, qui reviennent sous forme de dessins puis de cadavre décomposé. Il y a là en images une belle réflexion sur le temps qui passe et la nostalgie, dont le cinéaste n’est d’ailleurs pas dupe (les archives sont particulièrement cruelles). Mais aussi, de manière très simple, un symbole de l’inévitable dégradation. C’est en effet un thème qui court dans tout le film, la corruption à l’œuvre, notamment sur les objets. La mort y plane, du réveil arrêté aux animaux tués, à égalité avec un quotidien des plus concrets : manger, creuser, dormir.
Exil est fondé sur des trucages qui renvoient plutôt à Méliès qu’au numérique : rêverie sombre, il fait parfois correspondre ce qui est dit (et de belle manière) à ce qu’on voit, mais avec un décalage parfois mystérieux. Ainsi la phrase sur les « femmes et les enfants qui n’ont qu’un vêtement dans le monde » se voit-elle illustrée par l’apparition d’habits en masse : mise en scène de l’abondance occidentale ? d’un rêve ancien ? De tous les vêtements que le personnage a portés ? On se perd en conjectures tant le film recèle de surgissements inattendus (la lune, du maïs, des meubles …).
Plus qu’un documentaire, Exil est une ode au lyrisme secret, à la fois autobiographique et universelle. Rithy Panh « essaie de ne pas raconter », mais il évoque, détaille, médite. Si son sujet est la Révolution, qui nous vaut de magnifiques formules, le charme puissant qui se dégage du film dépasse largement ce thème pour arpenter dans des proliférations verbales et quasi picturales des chemins plus larges, excédant et de loin l’anecdotique. Évidemment, cela n’en fait pas une œuvre simple, mais à coup sûr une œuvre rare, pénétrée d’angoisse et de questionnements douloureux.
Les suppléments :
L’entretien avec le réalisateur (21mn) est, à l’image du film, très personnel et de haute volée. On est loin des petites anecdotes de tournage, mais les clés fournies n’en sont que plus intéressantes (le temps, les images et la mémoire, la peinture, le rôle des archives). À quoi s’ajoutent une galerie photos, une biographie et une filmographie sélective.
L’image :
Hors archives, la définition est satisfaisante. La copie restitue fidèlement le travail d’affadissement des couleurs, mais sait aussi les valoriser dans des séquences plus oniriques.
Le son :
La voix a beaucoup de présence et de naturel. Quant à la musique et aux bruitages si importants, ils se déploient avec force et précision.
Galerie photos
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