Boccace 70 - la critique

Satire sociale et femmes tentatrices par les quatre réalisateurs phares du cinéma italien de l’époque.

L’argument : Quatre histoires de femmes tentatrices inspirées du Décaméron de Boccace. Monicelli raconte dans "Renzo et Luciana" l’histoire de deux tourtereaux empêchés de se marier par le règlement de l’entreprise dans laquelle ils travaillent. Pour Fellini, c’est une femme, Anita Ekberg, vantant les bienfaits du lait sur une affiche géante qui rendra fou un homme dans "La tentation du Docteur Antonio". "Le travail", pour Visconti, est celui d’une épouse (Romy Schneider) qui exige d’être payée à chaque fois que son mari, amateur de call-girls, lui fait l’amour. Quant à "La loterie" de De Sica, elle propose en gros lot Sophia Loren, la sœur du marchand forain.

Notre avis : Mario, Vittorio, Luchino, Federico... le quatuor gagnant du cinéma italien de l’époque est réuni par le producteur Carlo Ponti, mari de Sophia Loren, pour un de ces films à sketches tant en vogue dans les années 60. Monicelli, cinéaste des paumés, est encore tout auréolé de la gloire du Pigeon (1958). De Sica, l’un des pères du néoréalisme, vient de tourner la bouleversante Ciociara (1960) qui a valu à Sophia Loren un prix d’interprétation à Cannes et un Oscar à Hollywood. Pour Visconti, c’est le magistral Rocco et ses frères qui vient de sortir. Et Fellini retrouve dans son sketch Anita Ekberg qu’il vient de diriger dans La Dolce vita, Palme d’or à Cannes en 1960.
Il ne s’agit pas à proprement parler d’une adaptation du Décaméron de Boccace (1313-1375), fondateur de la littérature en prose italienne. Les quatre histoires qui composent le film s’en sont inspirées dans la veine et l’esprit plutôt que dans la lettre. L’esprit ? Celui du triomphe des appétits terrestres. La veine ? Celle de la satire sociale. Conservatisme et bigoterie sont mis à rude épreuve dans ce Bocacce 70 provocateur qui se moque des travers de l’Italie d’alors. A tel point que ses réalisateurs pensaient qu’ils seraient censurés et que le film ne sortirait pas avant les années 70. D’où le titre.
Travers du genre : les sketches paraissent un peu inégaux. D’autant que si l’inspiration est commune, les univers des quatre metteurs en scène sont très différents et qu’il est difficile de passer de l’un à l’autre sans temps d’adaptation. C’est Fellini qui tire le mieux son épingle du jeu, créant avec les fantasmes d’un professeur refoulé un pur joyau fellinien. Du côté de chez Visconti, c’est surtout la composition de Romy Schneider que l’on retiendra, son premier rôle tragique qui lui permettait enfin d’échapper à la mièvrerie des Sissi et compagnie. Le De Sica et le Monicelli, bien que fort divertissants, sont de plus petite facture.
Il faut noter que ce film est sorti pour la première fois en France dans sa version complète en 2003, réintégrant le sketch de Monicelli qui avait été tronqué dans la version internationale.