Le 15 août 2024
Tournant dans la carrière de Luchino Visconti, cette tragédie aux allures d’opéra est un sommet esthétique, qui ne cesse de fasciner depuis sa sortie.
- Réalisateur : Luchino Visconti
- Acteurs : Alida Valli, Farley Granger, Massimo Girotti, Rina Morelli, Christian Marquand, Sergio Fantoni, Tonio Selwart
- Genre : Drame, Historique, Romance, Film de guerre
- Nationalité : Italien
- Distributeur : Les Acacias
- Durée : 2h03mn
- Reprise: 31 juillet 2024
- Date de sortie : 3 février 1956
- Festival : Festival de Venise 1956
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– Reprise en version restaurée : 31 juillet 2024
– Année de production : 1954
Résumé : Mai 1866, à Venise, un mouvement rebelle italien s’est formé face à l’occupation autrichienne. Franz Mahler, un jeune officier autrichien, est provoqué en duel lors d’une manifestation nationaliste menée par Roberto Ussoni. Ce dernier se voit alors contraint à l’exil. La comtesse Livia, sa cousine, tentant d’intervenir auprès de Franz, s’éprend passionnément de celui-ci. Entre conviction politique et manipulation, Livia devra faire de nombreux sacrifices. Mais cet amour en vaut-il réellement la peine ?
Critique : Senso est la libre adaptation d’un roman mineur, Senso, carnet secret de la comtesse Livia (Camillo Boito, 1883). Le film de Visconti a bénéficié d’un budget cossu et d’une équipe artistique et technique de haut niveau, à commencer par Suso Cecchi D’Amico et Tennessee Williams dans le groupe de coscénaristes, ainsi que les jeunes Francesco Rosi et Franco Zeffirelli, assistant Visconti à la réalisation. Il faudrait citer aussi les somptueux costumes de Marcel Escoffier et Piero Tosi (les robes et capelines d’Alida Valli, en couleurs rutilantes dans les premières séquences, et d’une noirceur morbide sur la fin) ou la photo de Giuseppe Rotunno qui évoque notamment la peinture romantique italienne. Présenté au Festival de Venise en 1954, Senso divisa la critique de l’époque. Certains reprochèrent à Visconti d’avoir trahi le néoréalisme italien, lui qui était rattaché à ce courant depuis Ossessione (Les amants diaboliques) et La terre tremble. En décrivant les tourments sentimentaux d’une aristocrate, qui trahit son mari, puis sa patrie, et enfin elle-même, Visconti se serait détaché de la description de la misère sociale transalpine, se noyant dans le mélodrame, sous les auripeaux d’une lourde production en Technicolor.
- Alida Valli
- © 1954 STUDIOCANAL – CRISTALDIFILM. Tous droits réservés.
C’était bien évidemment un contresens, d’autant plus que Visconti revisitera le néoréalisme avec Rocco et ses frères. En fait, l’auteur donne une nouvelle dimension à son œuvre. Sur le plan thématique, il traite pour la première fois du déclin de l’aristocratie et, partant, d’un certain monde, ce qui sera repris dans Le Guépard ou Les damnés. André Bazin pouvait d’ailleurs écrire : « Cette société aristocratique ou militaire se comporte naturellement avec la dignité dramatique et spectaculaire du spectacle lyrique. Mais ils en meurent vraiment, et Visconti a su nous rendre évidente, irréfutable et présente cette aventure qui n’a de théâtral que son harmonie et sa beauté plastique, mais qui pèse en même temps de tout le poids de la réalité » (Le Parisien libéré, 7 février 1956). C’est que sur le plan esthétique, Visconti introduit une dimension lyrique et baroque, qui apparaît dès la séquence d’ouverture, où nous assistons à une représentation de La Trouvère de Verdi, à la Fenice. Le long métrage prend d’ailleurs les allures d’un opéra grandiose, rythmé par la Symphonie n° 7 en mi-majeur de Bruckner.
- Alida Valli, Farley Granger
- © 1954 STUDIOCANAL – CRISTALDIFILM. Tous droits réservés.
Cela est particulièrement flagrant à travers les mouvements de caméra (dans la maison d’Aldeno ou sur le champ de bataille), ou avec le déplacement des comédiens (Livia errant désœuvrée dans les rues de Vérone, tel un corbeau désorienté). Cette nouvelle approche pour Visconti annonce bien sûr Ludwig ou Mort à Venise, sans le côté contemplatif que le cinéaste portera à son summum dans les années 70. On reste en tout cas scotché devant la splendeur visuelle de Senso, et la force dramatique qu’il déploie, amplifié par le jeu puissant de la diva Alida Valli, sublime en comtesse qui se détruit par un amour à sens unique, annonçant le personnage d’Isabelle Adjani dans L’histoire d’Adèle H. de Truffaut. Son partenaire Farley Granger ne démérite pas en officier veule et amoral, même si l’on peut regretter le doublage italien de l’ex-jeune premier de Hitchcock (La corde et L’inconnu du Nord-Express). À sa sortie, Senso ne rentra pas dans ses frais, et Visconti eut d’abord du mal à trouver un financement pour Nuits blanches, qu’il tournera également à Venise. Le film est aujourd’hui un classique indépassable dans son genre. En 2024, le distributeur les Acacias en propose une version restaurée dans le cadre de la rétrospective « Le XIXe siècle de Luchino Visconti ».
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