Les grandes reprises
Le 19 décembre 2022
Le guépard va droit à nos interrogations les plus intimes et nous chavire le cœur à jamais.
- Réalisateur : Luchino Visconti
- Acteurs : Alain Delon, Serge Reggiani, Burt Lancaster, Claudia Cardinale, Romolo Valli, Pierre Clémenti, Giuliano Gemma, Rina Morelli, Terence Hill (Mario Girotti), Ottavia Piccolo, Marino Masé, Paolo Stoppa, Ivo Garrani
- Genre : Drame, Historique, Film culte
- Nationalité : Italien
- Distributeur : Pathé Distribution, Les Acacias, Compagnie Française de Distribution Cinématographique (CFDC)
- Editeur vidéo : Fox Pathé Europa
- Durée : 3h25mn
- Date télé : 19 décembre 2022 20:55
- Chaîne : Arte
- Reprise: 1er décembre 2010
- Box-office : 3 649 498 entrées France
- Titre original : Il gattopardo
- Date de sortie : 14 juin 1963
- Festival : Festival de Cannes 1963, Festival de La Rochelle 2022
– Reprise en version restaurée : 31 juillet 2024
Résumé : Sicile, années 1860. Avec le débarquement de l’armée garibaldienne, le prince Salina comprend qu’il vit la fin d’une époque. Il accepte le mariage de son neveu Tancrède, rallié aux idées nouvelles, avec la fille du riche maire de Donafugata.
Critique : Quelle sélection fantastique à Cannes, cette année-là : 8 1/2 de Fellini, Les Oiseaux d’Hitchcock, mais c’est Le Guépard qui triomphe : le film est ovationné, fera une glorieuse carrière internationale et reste aujourd’hui comme un des monuments du cinéma, ne serait-ce que pour sa scène finale, celle du bal, qui dure presque un tiers de son temps total. Le Guépard, c’est la révélation de la beauté foudroyante de Claudia Cardinale (elle faisait d’ailleurs la une des journaux de l’époque, promenant un vrai guépard sur la Croisette), c’est Alain Delon au sommet de son charme, c’est Burt Lancaster, l’Américain attendu au virage et qui crée un prince sicilien plus vrai que nature. Casting exceptionnel jusqu’aux plus petits rôles, des acteurs frappés par la grâce pour raconter une histoire d’une mélancolie terrible, celle de la fin d’une époque. Splendides paysages de Sicile, fluidité des mouvements de caméra, élégance des couleurs fanées, musique envoûtante de Nino Rota, Verdi et Bellini : tout cela fait du Guépard une œuvre plastiquement irréprochable mais qui ne serait qu’un tableau éblouissant si Visconti n’y avait insufflé sa lucidité exacerbée.
"Il faut que tout change pour que tout se conserve", telle est la devise des Salina. Et l’on comprend en effet, en suivant le déclin de l’aristocratie et l’avènement de la bourgeoisie, que la vie continuera à l’identique, les forces dominantes s’étant simplement déplacées ailleurs. Symphonie tragique balayée par le grand souffle de la mort, film sur le destin des êtres, des peuples et des sociétés, un moment de l’histoire d’Italie pour aller à l’universel de l’histoire de l’humanité : sous ses dehors de reconstitution classique, Le guépard va droit à nos interrogations les plus intimes et nous chavire le cœur à jamais.
Galerie photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.
JIPI 11 mai 2012
Le Guépard - Luchino Visconti - critique
Bourgeoisie bouillonnante et aristocratie conservatrice s’affrontent dans une fresque chatoyante dans les palais, sanguinaire sur le pré.
Le prince Salina fatigué par la piété d’une femme se signant avant chaque étreinte toise un avenir naissant plus convivial représenté par un rire féminin extrait naturellement libérant une dentition privée d’éventails protecteurs.
L’aristocrate menacé doit s’intégrer dans un temps fabricant de nouveaux bourgeois avides de propriétés terriennes. Les dernières fresques d’un monde sur le déclin se meurent en contemplant la disparition de l’habit de salon au profit d’un costume citoyen.
Le Maire est l’égal du Prêtre. La terre se rachète, se partage. L’ecclésiastique n’est plus sécurisé par le support de ses pauvres. La continuité apaisante des êtres dans un monde au repos se doit à l’union alchimique d’idées naguère en luttes.
Angelica et Tancrède unis afin de faire cesser les combats sont les uniques garants d’une cohabitation durable entre le rituel et la transaction.
« Le guépard » est une fresque somptueuse, une peinture sociale convulsée remarquablement mise en images par un cinéaste offrant une âme à des théories combatives éternelles entre nantis et défavorisés.
Un esthétisme coloré en intérieurs, aride en plaines faisant tournoyer les corps par les valses ou les balles.
Luchino Visconti cadre merveilleusement la différence entre la magnificence d’un salon et l’austérité d’un repas champêtre dans un contexte ou un principe existentiel quitte irrémédiablement un prince sur le retour servant de corridor entre la fusion nécessaire d’une noblesse assiégée par les besoins d’une classe moyenne en plein essor.
Une mésalliance devient l’alliance d’une continuité établie sur les ruines d’un monde englouti. Nobles et Bourgeois sont sur une fréquence identique en continuant de faire respirer la terre. Un mariage de raison indispensable à la naissance d’un esprit communautaire.
Par l’intermédiaire d’une étoile, un vieux prince regarde s’éteindre un pouvoir éphémère confié à de nouvelles énergies elles-mêmes menacées par des idées nouvelles encore en sommeil.