Champagne pour tout le monde ?
Le 28 avril 2024
Un grand rôle pour la Magnani dans cette tragi-comédie cruelle dont la bonne humeur de surface ne fait que renforcer la noirceur poignante.
- Réalisateur : Mario Monicelli
- Acteurs : Ben Gazzara, Anna Magnani, Carlo Pisacane, Totò, Edy Vessel, Rik Van Nutter, Fred Clark, Gina Rovere
- Genre : Comédie dramatique, Noir et blanc
- Nationalité : Italien
- Distributeur : Les Acacias
- Durée : 1h46mn
- Date télé : 11 septembre 2024 20:50
- Chaîne : Ciné+ Classic
- Reprise: 29 mai 2024
- Titre original : Risate di Gioia
- Date de sortie : 17 juillet 1962
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– Reprise en version restaurée : 29 mai 2024
– Année de production : 1960
Résumé : Deux anciens artistes de music-hall, Gioia Fabricotti, surnommée Tortorella, figurante à Cinecittà, et Umberto Pennazzuto alias Infortunio, qui vit de petites combines, se retrouvent, sans l’avoir voulu, à passer une fois de plus ensemble la nuit de la Saint-Sylvestre. Entraînés par Lello, un petit truand, ils vont de fête en fête et de mésaventure en mésaventure.
Critique : Dans cette comédie que Monicelli réalise deux ans après I soliti ignoti (Le pigeon), le personnage de Gioia, dite Tortorella, la generica (figurante) de Cinecittà qui, à cinquante ans, continue de croire envers et contre tout que la chance va lui sourire un jour et qui, au cours d’une nuit de la Saint-Sylvestre mouvementée, ira de désillusion en désillusion, est évidemment un rôle sur mesure pour Anna Magnani. Il lui permet de se livrer à l’un des formidables numéros d’actrice dont elle a le secret, tout en évitant, parfois d’extrême justesse, le cabotinage, ou plutôt en le dépassant car c’est, comme souvent, en assumant l’excès qu’elle trouve la note juste.
- Totò, Anna Magnani
- © 2024 Les Acacias. Tous droits réservés.
Et en effet tout chez Gioia est excessif : son engagement dramatique sur le plateau lorsque, participant à une scène de péplum biblique, elle hurle, comme en transe, son unique réplique (Miracolo !), sa vanité fortement teintée d’auto-ironie, son incroyable robe à paillettes (particulièrement incongrue lorsque, oubliée dans le métro, elle se retrouve au terminus et revient en ville sur le porte-bagage d’une moto), sa teinture blonde que personne ne remarque (« Il n’y a rien qui vous frappe ? »), ses rires sonores qui donnent au film son titre au double sens intraduisible, son aveuglement obstiné lorsqu’elle se laisse prendre à la cour que lui fait Lello, la petite frappe, remarquablement interprété par Ben Gazzara (« Et ne me dis pas qu’il pourrait être mon fils ! » prévient-elle son vieux soupirant), son optimisme indestructible (la scène finale où, sortant de prison le 15 août, elle décide que l’année qui commence sera bonne !)
Ce personnage débordant d’énergie, allant au bout du ridicule et du pathétique, est au centre d’un film qui est pourtant bien plus qu’un simple véhicule de star. Car autour de Gioia/Magnani, le cinéaste et ses coscénaristes Moravia (auteur des Nouvelles romaines dont le script s’inspire), Suso Cecchi D’Amico et les inévitables Age & Scarpelli, dressent un portrait de la Rome de 1960, celle de la Dolce Vita (nombreux clins d’œil à Fellini, à commencer par un bain dans la Fontaine de Trevi), et du boom. C’est un monde impitoyable où le cynisme et le clinquant sont rois et où la fête (Saint-Sylvestre oblige) a un fort parfum d’amertume et de tristesse.
La superbe photo noir et blanc de Leonida Barboni fait briller de tous ses feux cet univers rutilant tout en mettant en évidence son côté creux, l’envers du décor sordide toujours prêt d’apparaître.
- Anna Magnani, Ben Gazzara
- © 2024 Les Acacias. Tous droits réservés.
Car sous la splendeur et le brio de surface, le trait de Monicelli est ici particulièrement acerbe et même cruel. Il parsème pourtant son film de touches poétiques (le personnage hébété du conducteur de métro joué par le magicien clown Mac Ronay) et parvient à rendre émouvants et extrêmement attachants les déphasés, les paumés de l’existence qui se débattent pour sortir la tête hors de l’eau : Tortorella bien sûr, mais aussi son vieux complice, le justement surnommé Infortunio qu’interprète, génialement, un Totò volontairement en retrait pour ne pas faire de l’ombre à son ancienne complice de revue (Quando meno te l’aspetti , Volumineide, Che ti sei messo in testa ? entre 1940 et 1944) dans ce qui restera leur seule collaboration cinématographique. La scène où, ayant gagné le gros lot dans une fête, Gioia et Umberto révèlent qu’ils sont artistes et se lancent dans un numéro de music-hall à l’ancienne que l’assistance applaudit poliment, est un des grands moments de comique mélancolique d’un film dont la bonne humeur de surface ne fait que renforcer la noirceur poignante.
– Sortie Italie : 21 octobre 1960
– Ben Gazzara est doublé par Pino Locchi
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