Le 2 décembre 2018
Un beau film, généreux et choral, supérieurement interprété.
- Réalisateur : Mario Monicelli
- Acteurs : Marcello Mastroianni, Bernard Blier, François Périer, Renato Salvatori, Annie Girardot
- Genre : Comédie dramatique, Noir et blanc
- Nationalité : Français, Italien
- Distributeur : Les Acacias
- Editeur vidéo : TF1 Vidéo
- Durée : 2h10mn
- Box-office : 145 568 entrées France / 35 988 entrées P.P.
- Titre original : I Compagni
- Date de sortie : 5 janvier 1966
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– Année de production : 1963
– Sortie combo DVD+Blu-ray : le 12 décembre 2018
Résumé : A la fin du XIXème siècle, dans une fabrique textile de Turin, les ouvriers, soumis à un rythme de travail infernal, voient se multiplier les accidents. Trois d’entre eux entrent en conflit avec le contremaître à la suite d’un nouveau drame. Il est alors décidé, en guise de protestation, que tous partiront une heure plus tôt ce soir-là. Mais cette action n’est pas du goût des patrons, qui profitent de l’inexpérience de ces hommes simples pour les berner. Les sanctions tombent. L’instituteur Sinigaglia, un militant socialiste, fraîchement débarqué de Gênes, pousse les ouvriers à s’organiser…
- Copyright 1963 Lux Film – Vides Cinematografica – Méditerranée Cinema _ TF1 Films Production
Notre avis : Dans la riche carrière de Monicelli, pour l’essentiel consacrée à la comédie, Les camarades brille d’un éclat particulier, par son engagement politique, le film décrivant une longue grève dans une usine à la fin de dix-neuvième siècle. Tiré d’un fait authentique, il ne se borne pourtant ni au misérabilisme ni au pamphlet. Certes, le portrait des patrons est chargé : manipulateurs, insensibles, sournois, avides, ils font patienter les ouvriers une heure avant de les recevoir et les méprisent avec un paternalisme écœurant. Ainsi de cette scène où Martinetti (Bernard Blier) est invité à réparer un poêle à seule fin de lui tirer les vers du nez et de le faire céder. Quant au grand chef, vieillard handicapé, il fait preuve d’un autoritarisme permanent, même avec des riches insouciants qui jouent à colin-maillard.
- Copyright 1963 Lux Film – Vides Cinematografica – Méditerranée Cinema _ TF1 Films Production
Mais à vrai dire ce n’est pas ce qui intéresse Monicelli. Il préfère s’attacher aux petites gens sur qui il porte un regard attendri, malgré leurs défauts et leurs failles. C’est le jeune Omero, idéaliste au destin tragique, qui moleste son frère pour qu’il poursuive ses études ; c’est Pautasso, colosse généreux qui ne peut voir son bébé que quand sa mère l’emmène devant la grille ; c’est Raoul, joli cœur mal à l’aise avec les mots (deux belles scènes de déclaration quasi muettes) dont l’engagement prend forme ; c’est l’instituteur qui donne des cours d’alphabétisation parce que seuls ceux qui savent lire peuvent voter ; c’est un jeune militaire amoureux contraint de tirer sur les ouvriers. Eux, et d’autres, à peine esquissés, mais présents en quelques images ; car c’est le grand talent de Monicelli que de donner vie à une aussi grand nombre de personnages : sa caméra les traque dans des travellings soignés pour mieux donner à voir leur profonde humanité.
- Copyright 1963 Lux Film – Vides Cinematografica – Méditerranée Cinema _ TF1 Films Production
Le décor est planté des les premières minutes : le froid, l’humidité, la glace cassée pour se laver. Un peu plus tard ce sera les rues boueuses, la fumée ou le brouillard, à quoi s’ajoutent des résidus de neige. Partout les murs lépreux et les flaques. Si le film oppose le restaurant luxueux au reste de la ville, c’est par contraste, pour bien indiquer que les exploiteurs existent ailleurs, dans un monde qui profite.
- Copyright 1963 Lux Film – Vides Cinematografica – Méditerranée Cinema _ TF1 Films Production
Et puis il y a le « professeur », interprété par le nerveux et toujours brillant Marcello Mastroianni, le meneur qui peut retourner un auditoire par son discours enfiévré. Toujours en fuite (sa première apparition est une escapade d’un train), persécuté, il semble au départ simple manipulateur, indifférent aux gens qu’il pousse à la grève. Mais Monicelli lui accorde une épaisseur lors d’un monologue où il avoue sa solitude et il fait de lui un être torturé, en permanence aux aguets. S’il profite des autres, il sait par quelques mots donner à la prostituée une dignité nouvelle. C’est donc un portrait nuancé, plus complexe qu’il n’y paraît. On peut d’ailleurs considérer qu’il échoue, puisqu’il finit en prison et que la grève cesse. Mais la fin est plus ambivalente : le professeur éliminé, c’est Omero qui prend sa place, embarquant en cachette dans un train. En revanche, il ne fait pas de doute que la noirceur générale l’emporte : le frère arrête ses études, et les grilles se ferment au tout dernier plan.
Monicelli n’est pas un lyrique ; son film ne ressemble pas non plus à un tract habité par des personnages abstraits. Au contraire, il mêle les tons, passant sans transition du cocasse au dramatique (voir la bagarre burlesque qui se conclut par l’écrasement de Pautasso). De même son souci extrême du détail (le couteau qui ne s’ouvre pas, la chaussette trouée qui laisse passer l’œuf) donne-t-il l’impression que la vie ne cesse de s’infiltrer dans le récit. Et s’il se permet des travellings élégants (l’ascension d’Adèle, la marée de mains levées), c’est la plupart du temps une mise en scène discrète mais attentive qui fait des Camarades une œuvre constamment touchante et captivante, parsemée de belles idées, de beaux gestes (Omero qui mouche son frère). Bref, une réussite à voir et à revoir inlassablement.
Les suppléments :
Intéressante introduction de Monicelli (11mn), qui met le film en perspective par rapport à son œuvre, à la « comédie italienne » et à ses propres engagements. Outre les bandes-annonces d’origine, le disque contient également un entretien avec Willy Gianinazzi (29mn) : l’historien du syndicalisme y revient sur le genre et situe le film dans son contexte (les grèves des années 60). Mais son regard, passionnant, se porte aussi sur le tournage, Turin, la fin du dix-neuvième siècle, le père du cinéaste, entre autres ; autant dire qu’il s’agit d’un bonus précieux pour comprendre les enjeux du métrage. Enfin, le coffret propose un livret que nous n’avons pas reçu.
L’image :
Les parasites ont été quasiment supprimés ; l’image est stable, le noir et blanc respectueux d’un travail nuancé sur les gris, et le grain parfois épais n’est jamais gênant.
Le son :
Les voix (toujours doublées dans les films italiens de cette époque) ont beaucoup de présence et si la musique est légèrement éraillée, globalement l’impression générale est favorable. La VF d’époque est un peu plus étriquée.
Galerie Photos
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